constitution des cortès, qui est la plus libérale de toutes celles qu’on a forgées dans ce siècle, a été rédigée par des hommes qui semblaient les ennemis des réformes. Si à la fin du XVIIIe siècle le peuple italien avait vu les libéraux dans ses rangs, il les aurait investis de sa confiance, et, une fois réveillé, aguerri et bien commandé, il les aurait suivis partout où les intérêts de l’Italie l’auraient appelé. Ce fut là une faute d’autant plus grave que ces symptômes d’énergie dans un peuple si long-temps opprimé étaient plus extraordinaires. Aussi, depuis cinquante ans, l’action du libéralisme italien n’a produit que l’affaiblissement de ce principe d’énergie populaire sans pouvoir le remplacer par rien ; les hommes qui aiment l’Italie doivent bien déplorer ce résultat. Au reste, il ne faut pas qu’on se méprenne sur la nature de nos regrets : nous regrettons ce résultat pour la France aussi bien que pour l’Italie. La plus formidable insurrection italienne aurait été un mal bien passager pour une nation qui, comme la France, sait soutenir avec honneur des luttes contre toute l’Europe. Mais si, par les suites d’une telle insurrection, l’Italie avait pu se rendre indépendante et secouer le joug de l’Autriche, la France, rassurée pour toujours du côté des Alpes et n’ayant plus cette frontière à garder, aurait acquis ainsi un degré de sécurité et un accroissement de puissance qu’elle ne devrait pas hésiter à se procurer par les plus grands sacrifices.
Ce qui était peut-être possible d’abord cessa de l’être après les réactions sanglantes qui suivirent partout la retraite des Français. Les auto-da-fé de Sienne, les exécutions barbares de Naples, cimentèrent dans le sang les inimitiés des partis. À Naples, on vit Nelson, aveuglé par une femme de mauvaise vie, prêter son vaisseau amiral aux bourreaux de la reine Caroline, et, ce qui est encore plus odieux, accepter un duché pour salaire de ce crime. Aussi dit-on qu’à Londres une main italienne a gravé le titre de duc de Bronte sur le tombeau du héros de Trafalgar.
Après la bataille de Marengo, Napoléon pouvait assurer l’indépendance italienne, et, en se faisant le protecteur du nouvel état, se créer un allié d’autant plus fidèle que les Italiens auraient su que leur sort était attaché à celui de la France, et que les défaites des Français devaient amener leur ruine ; mais il préféra des sujets mécontens à des amis dévoués. Et on dut le croire préoccupé de la crainte que l’Italie ne devînt trop puissante, lorsqu’on le vit réunir Rome, la Toscane et le Piémont à la France, faire un royaume d’Italie qui était à peine le quart de l’Italie, donner Naples à son frère et former même un petit état pour sa sœur. Comme la Sicile et la