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RÉVOLUTIONNAIRES ANGLAIS.

que de la première. Elle avait soutenu Strafford dans ses plans royalistes et dans ses manœuvres pour détruire le parti populaire. Elle fit passer sur la tête de Pym tout cet intérêt et toute cette faveur, trahit la cour pour faire réussir les projets de son nouvel amant, et plusieurs fois elle lui sauva la vie. « Cette femme, dit un de ses contemporains[1], n’aime jamais sérieusement ; elle a un cœur trop orgueilleux pour ressentir un vif penchant pour les autres : son ame est altière, sa parole brève, elle préfère la conversation des hommes à celle des femmes. Ce qui lui plaît, c’est le succès, elle en est folle. Elle se donnerait à un bandit, pourvu qu’il fût célèbre… » Après la restauration, elle avait soixante ans ; ne pouvant plus offrir aux concurrens de la renommée le prix de sa beauté, elle continua cependant de jouer à peu près le même rôle, et sa maison fut de nouveau le centre des intrigues royalistes.

Revenons à 1630 et à Pym, qui ne prétendait pas encore à cette noble conquête, mais qui travaillait à la mériter. Son rival heureux, Strafford, se rendit bientôt maître d’une grande fortune et d’un crédit sans bornes. Les deux amis suivirent leurs diverses routes : Pym devint maître des communes, Wentworth arbitre de la cour.

Entre 1630 et 1640, les deux partis et leurs chefs creusent profondément leur sillon. Les puritains, épouvantés des rigueurs de Laud, fuient en Amérique ; le roi, à son tour, effrayé de cette désertion contagieuse, redouble de colère et d’efforts. Son peuple le hait, son parlement le brave ; il ne lui reste que la couronne et cette vaine prérogative qui est de toutes parts attaquée, et qui le rend plus odieux. Son trésor est vide ; pour se procurer de l’argent, il a recours aux iniquités des temps passés, qui, sanctionnées par les exemples de ses prédécesseurs, sont devenues impossibles et exécrables. On ne peut être surpris, si, dans une telle situation, il accumula les illégalités et les violences. Appuyé sur deux hommes absolus et obstinés, sur Laud, chargé d’établir la tyrannie ecclésiastique, et sur Strafford, qui dirigeait tout vers l’arbitraire civil, ne calculant ni ses forces ni celles de ses adversaires, il s’obstina à soutenir l’établissement monarchique pur qui avait succédé à la féodalité : forme transitoire qui ne pouvait durer long-temps. Le peuple était devenu fort ; chacune de ces taxes inventées ou renouvelées pour remplir les coffres du roi rencontrait une résistance obstinée. Sous Henri VIII ou Élisabeth, on les eût payées sans murmurer. Sous un

  1. Sir Toby Matthews. Voir Ellis’ Letters, tom. 2.