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LA HOLLANDE.

À dix lieues de Leeuwarden est Groningue, fondée, dit-on, cent cinquante ans avant Jésus-Christ, conquise par les Romains, ravagée à différentes reprises par les Danois, puis soumise à la domination des évêques d’Utrecht, et maintenant chef-lieu d’une province. C’est la ville la plus considérable du nord de la Hollande. Elle a une université, un bon port et fait un commerce considérable avec l’Allemagne.

Presque au sortir de Groningue, on entre dans la province de Drenthe, la plus triste, la plus aride de toutes les provinces de la Hollande. À droite, à gauche de la route, on n’aperçoit que des bruyères incultes ou des marais, une terre bourbeuse coupée par un canal où coule une eau noire, où l’on voit de temps à autre passer un bateau chargé de tourbe, qu’un homme, ou une femme, et quelquefois un enfant, attelé à cette cargaison comme un cheval, traîne lentement et péniblement. La tourbe et le produit de quelques bestiaux, voilà les seules ressources de cette malheureuse province, qui, du reste, est à peine peuplée. Assen, qui en est la capitale, ressemble à un village, et de loin en loin on ne rencontre que de pauvres cabanes où l’on ne distingue même plus aucune trace de la propreté hollandaise. Ce sol si ingrat, si humide, a cependant été mis en culture. Une société de bienfaisance, fondée en 1816, par le général Van der Bosch, a établi dans ce sombre district des colonies de pauvres, qui ont déjà produit les résultats les plus satisfaisans. Chaque pauvre en état de travailler peut entrer dans ces colonies. La société lui confie la culture de trois journaux de terre, une vache, un petit porc et quelques brebis. On lui donne en outre chaque jour une livre de pain, chaque semaine un boisseau de pommes de terre et une dizaine de sous, non pas en monnaie ordinaire, mais en petites cartes qui sont acceptées pour une valeur déterminée dans les magasins de la colonie, en sorte qu’il ne peut les dépenser ailleurs, et les employer à un mauvais usage. Le colon doit payer peu à peu, soit par son travail, soit par une partie de sa récolte, ou du produit de ses bestiaux, les avances faites par la société. Il faut qu’il lui remette en outre 10 pour 100 de ce qu’il gagne pour l’administration de la colonie, plus l’intérêt annuel du capital employé à l’achat de la petite propriété qu’il cultive. S’il parvient à se libérer ainsi des engagemens qu’il a contractés, sa situation change complètement, il fait un bail avec la société, et traite avec elle, non plus comme colon, mais comme fermier. Les femmes qui ne peuvent travailler dans les champs filent de la laine. Les enfans vont à l’école, et filent aussi de la laine dans