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REVUE LITTÉRAIRE DE L’ALLEMAGNE.

de Holtei a introduit avec succès le vaudeville à Berlin et à Vienne. Leurs essais n’ont pas été plus loin.

Et maintenant, dira-t-on, que deviennent les théâtres de l’Allemagne au milieu d’une telle pénurie ? Ce qu’ils deviennent ? Ils existent fort à leur aise, ils prospèrent, ils sont, comme les nôtres, le sujet de mainte théorie et de mainte dissertation dans les journaux. On les trouve partout, dans les grandes comme dans les petites villes, dans les résidences de princes comme dans les cités marchandes, et partout ils sont très appréciés et très suivis. Le répertoire varie souvent, et les poésies classiques de Goethe et de Schiller sont un peu abandonnées. On ne les joue que de temps à autre, dans les occasions solennelles, comme on jouait chez nous les pièces de Corneille, de Racine et de Voltaire, avant que Mlle Rachel fût venue leur rendre une nouvelle vie. Pour distraire le public, on a recours aux traductions. Tout ce qui obtient quelque succès à Paris, c’est-à-dire tout ce qui occupe pendant une semaine ou deux la curiosité des gens de salons et la critique des journalistes, drames, opéras, comédies, vaudevilles, tout cela est immédiatement transporté de l’autre côté du Rhin, traduit en prose ou en vers, et joué sur tous les théâtres. Il y avait, il y a quelques années, en Allemagne un homme qui s’était fait une assez grande réputation dans cet honnête métier de traducteur ; on l’appelait Angely. Que de vaudevilles et d’opéras éclos dans les rues de Paris ont été par lui implantés sur la scène allemande ! Que de fois il a vu son nom imprimé en grosses lettres sur les affiches de spectacle, répété par les trompettes de la presse, et applaudi par une foule enthousiaste ! car peu à peu son nom avait fini par devenir plus important que celui de l’auteur dont il reproduisait l’œuvre. Quand les journaux annonçaient la prochaine représentation d’une nouvelle pièce, le public ne se demandait plus si elle était de Scribe ou de Victor Hugo, de Casimir Delavigne ou d’Alexandre Dumas ; elle était traduite par Angely ; Angely la prenait sous son patronage ; Angely lui donnait la sanction de son autorité, de son talent, de son nom. Que fallait-il de plus ? Hélas ! il est mort, le digne Angely, mort glorieusement après la traduction d’un vaudeville, comme un général après une victoire. Sa mort a été un sujet de deuil pour tous les grands et petits théâtres. Son empire a été divisé comme celui d’Alexandre, et la gloire de ses successeurs ne peut faire oublier la sienne. Dans cette situation littéraire de l’Allemagne, dans ce flux et reflux de traductions, on comprend que l’annonce d’une pièce qui a la prétention de n’être ni imitée, ni traduite d’aucune langue étrangère, excite vivement la curiosité du public. C’est ce qui est arrivé pour les comédies de la princesse Amélie de Saxe, et cette fois l’attente des lecteurs et des spectateurs n’a pas été déçue. Ces comédies sont vraiment allemandes, allemandes de toute façon, par le caractère des personnages, par les situations, par les mœurs qu’elles dépeignent et la manière dont elles les dépeignent. Elles sont écrites avec esprit et facilité, et c’est même là leur mérite le plus incontestable. Du reste, point de grands coups de théâtre, point de ces péripéties qui surprennent et bouleversent l’ame la plus placide. L’intrigue de ces pièces est d’ordinaire fort simple