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et nullement en dehors du cours de la vie réelle. Elle se déroule graduellement, sans effort, et le dieu de la machine n’a pas besoin d’apparaître, au cinquième acte, pour en dénouer les fils légers. Maintenant que nous avons accordé ce juste éloge à ces comédies, s’il nous est permis d’adresser très respectueusement quelque critique à l’écrivain qui entre dans le monde littéraire avec une double dignité, sa dignité de femme et de princesse, il nous semble que quelques-unes de ces pièces sont bien sérieuses pour prendre le titre de comédies ; qu’elles sont souvent, par la situation des personnages, par l’agencement des scènes, par le style même, plus près du drame que de la comédie proprement dite, et qu’elles tournent un peu trop autour de la même idée. Dans presque toutes ces pièces, en effet, l’auteur semble avoir eu pour but de montrer la supériorité d’un caractère honnête, modeste, sur des qualités fausses, mais brillantes ; d’amener d’abord sur la scène, dans tout l’éclat de son succès, un personnage entouré d’une auréole de séductions, pour anéantir ensuite son vain prestige et faire triompher une pauvre ame souffrante et résignée. Cette idée est certes très noble et très morale, et le dénouement qui en est la conséquence satisfait pleinement l’esprit du lecteur ; mais quand elle se reproduit dans le cours de cinq volumes, il est difficile qu’elle se représente sous des formes assez variées pour ne pas être un peu monotone. Ajoutons à ceci que les dernières pièces renfermées dans le recueil des Original Beitrage nous ont paru moins remarquables que les premières ; et comme celles-ci viennent d’être traduites en français, nous nous dispenserons d’en faire l’analyse. Le public parisien peut juger lui-même, par cette traduction, à quel degré d’esprit, de finesse, de bon goût, le style dramatique s’est élevé sous la main d’une femme dans les nobles loisirs d’une cour de Saxe.

Nous venons d’indiquer quelques-unes des productions les plus récentes de l’Allemagne. Le désir d’apprécier sérieusement les ouvrages d’une plus grande importance nous fait ajourner l’examen de l’Histoire de la Réformation en Allemagne, par M. Ranke, du recueil des lettres de Niebuhr, d’une Histoire de la Littérature allemande, de Gervinus, de plusieurs livres de philologie, d’une nouvelle publication du docteur Strauss, et d’un nouveau roman de Tieck, qu’il est impossible de mentionner sans jeter un coup d’œil sur sa longue vie de poète et ses nombreux ouvrages. Quand ce second travail sera fait, aurons-nous déroulé suffisamment aux yeux de nos lecteurs le gigantesque tableau de la presse allemande ? Non, en vérité, nous sommes forcé de l’avouer, sous n’aurons pu qu’en saisir et peut-être même en effleurer quelques-uns des points les plus saillans. Depuis une vingtaine d’années, la librairie allemande a pris un immense développement. Après 1830, ce développement n’a fait que s’accroître, et l’impulsion donnée aux esprits par la révolution de juillet, la scission violente des opinions, la polémique des partis, les tentatives peu heureuses, mais hardies et réitérées d’une jeune littérature, ont singulièrement augmenté le nombre des publications. En 1814, il ne parut en Allemagne que deux mille cinq cent vingt-neuf ouvrages ; en 1830,