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leurs momens de loisir. Les colons occupent de petites maisons en briques bâties l’une en face de l’autre, de chaque côté de la route, et presque toutes entourées d’arbres fruitiers. Ils sont groupés en familles. Cent familles forment une sous-direction, qui est divisée en sections et subdivisée encore en demi-sections. Il doit y avoir dans chaque sous-direction un médecin, un apothicaire, deux charpentiers, deux maçons, un forgeron, un chapelier ; et dans chaque section, un cordonnier, un tailleur, un tisserand et cinq à six femmes occupées à coudre et à tricoter.

Tous les colons travaillent sous la surveillance de leurs chefs de section. Ceux qui se laissent aller à la paresse sont envoyés dans un autre établissement, où on les traite avec beaucoup plus de rigueur. Il y a maintenant dans les quatre colonies fondées par la Société de Bienfaisance près de neuf mille personnes. Quelle admirable institution que celle qui arrache tant de familles à la misère, au vagabondage, pour leur donner un refuge, une existence, qui emploie à des travaux utiles tant de bras oisifs, et élève une foule de pauvres enfans !

De cet asile des malheureux on passe dans la contrée la plus riante, la plus peuplée, la plus riche. D’Arnheim à Utrecht, et d’Utrecht à Amsterdam, la route est bordée de chaque côté par des carrés de fleurs, des allées de tilleuls, des enclos chargés de fruits, des maisons de campagne élégantes et somptueuses. On dirait un immense jardin de banquiers millionnaires. Il y a même çà et là, dans cette splendide province de la Gueldre, quelques collines, et sur chaque colline une villa qui semble regarder avec une profonde pitié les habitations construites dans la plaine.

Les villes de Hollande sont très rapprochées l’une de l’autre, et les moyens de communication très multipliés. Plusieurs fois par jour de larges diligences, où les voyageurs s’entassent comme dans nos omnibus, et des barques traînées par un cheval circulent dans toutes les directions. Le voyage en barque est lent et monotone ; mais il est peu coûteux, sans secousse, et plaît beaucoup au peuple hollandais. La diligence va plus vite ; les chevaux sont bons, les routes unies et fermes, et l’on ne s’arrête qu’à tous les deux relais pour prendre un petit verre d’eau-de-vie et manger des œufs durs ou une tranche de veau. L’administration des messageries hollandaises, l’unique de son espèce, traite vraiment avec une sorte d’affection les voyageurs qu’elle transporte d’un lieu à un autre, et a pour eux toutes sortes de petites attentions délicates ; seulement elle ne peut faire pour eux un contrat avec l’atmosphère, comme avec les relayeurs et les aubergistes,