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DE LA FORCE DU GOUVERNEMENT ACTUEL.

soutenue avec un grand courage ; une politique hardie peut souvent être pratiquée avec timidité. Nous ne disons donc pas qu’il y a deux partis, celui des timides et celui des courageux ; mais que le gouvernement actuel est diversement jugé, que pour les uns il est fort, que pour les autres il est faible.

Pour nous, il est fort. On doit nous comprendre ; le gouvernement, ce n’est ni tel ou tel cabinet, ni tel ou tel des grands pouvoirs de l’état ; c’est l’ensemble des institutions qui forme chez nous la chose publique ; c’est notre ordre politique construit sur notre ordre social ; c’est tout, charte et royauté, dynastie et chambres, pouvoirs et libertés, comme le temps et les évènemens les ont faits en 1830 ; c’est, pour parler un langage entendu de tous, le gouvernement de juillet.

Nous nous proposons de rechercher quelle est sa force, d’en montrer l’origine, les preuves, les limites, d’examiner en quoi il est faible et pourquoi il le paraît, comme aussi de tirer de cette étude quelques idées sur la politique suivie et sur la politique à suivre.

On se demande d’abord comment il se fait que la force du gouvernement actuel puisse être mise en question, à ce point que parler de sa force soit aux yeux de quelques-uns hasarder une nouveauté, risquer un paradoxe ?

Dix ans accomplis sont cependant une épreuve pour un gouvernement nouveau. Le nôtre a franchi cette épreuve, dont aucun autre n’avait, depuis 1789, atteint le terme sans changer ou de forme ou de chef. La même monarchie sous le même roi, entourée des mêmes institutions, a traversé ces dix années non sans orages ; mais ses luttes contre les difficultés et les périls devraient avoir à la fois prouvé son énergie et garanti sa durée. Quelles prédictions sinistres, quelles hostiles espérances n’a-t-elle pas déjouées et confondues ! Combien de fois n’a-t-elle pas fait mentir ses ennemis ! Et pourtant elle n’a pas encore rassuré tous ses amis.

De tous les côtés, on a trop oublié, on oublie trop une chose fort simple : le gouvernement actuel est national. Reportons-nous à quinze ans en arrière. Si l’on nous eût dit alors : Il y aura dans peu une monarchie dont le principe aura été tout à la fois respecté et fondé par la volonté libre d’une nation victorieuse ; le trône sera occupé par une famille qui devra aux siècles l’éclat de son nom, au peuple sa couronne ; la charte agrandie, mais non dénaturée, aura cessé d’être un octroi précaire pour devenir un pacte inviolable ; toutes les libertés réclamées quinze ans seront décrétées, sans que le pouvoir central ait perdu aucune prérogative essentielle ; l’égalité