Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 25.djvu/764

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
756
REVUE DES DEUX MONDES.

sera tout naturellement la loi de la société française ; aucune arrière-pensée ne pourra raisonnablement suggérer à aucune classe, à aucun pouvoir, l’espoir de ressaisir l’ombre d’un seul privilége ; la loi commune sera celle de toutes les classes et de tous les partis ; en un mot, les idées, les vœux, les souvenirs, les couleurs, les résultats de la révolution française seront consacrés par les institutions et mis au rang de ces choses qu’on ne discute plus : aurait-on douté un moment qu’un gouvernement pareil, armé de tout l’héritage légitime de la révolution, n’en dût aussi rallier toutes les forces ? Qui ne se fût dit : Si telle chose doit advenir, la France est sauvée. La monarchie de 1830 était alors le hoc erat in votis de tout homme raisonnable.

Pourquoi donc ce que nous pensions alors aurait-il cessé d’être vrai ? pourquoi la France se serait-elle trompée en aspirant pendant tant d’années à voir se réaliser ce que trois jours imprévus ont une fois accompli ? On a trop de penchant à douter de ce qu’on a pensé long-temps. On aime trop à se prétendre éclairé par l’expérience, à revenir de ses erreurs. La mobilité, la faiblesse, la prétention, la mode, nous entraînent trop aisément à faire les désabusés, et à reléguer parmi les lieux-communs chimériques les croyances chères notre passé. On se plaint que la société est sans foi, sans traditions, et l’on ne sait point persévérer dans les idées auxquelles on a fait plus d’un sacrifice. Ainsi l’on risque d’étouffer dans son germe la foi nationale. Ne sait-on pas que les nations comme les individus se doivent à elles-mêmes fidélité ? il faut qu’il y ait pour elles une bonne vieille cause, comme disaient les patriotes anglais. Croyez en vous et en votre passé, si vous voulez durer et vivre, et ne prenez pas le doute pour la sagesse ; ne cherchez pas à conserver à l’aide de ce qui détruit.

Osons donc le répéter, le gouvernement de juillet est conforme à la vieille foi de la France nouvelle, à la tradition fondamentale de la révolution française. C’est déjà là une grande force, et sur laquelle on ne saurait trop compter. Elle est telle que la raison ne voit distinctement rien de bon ni même de possible en dehors de ce gouvernement. Quelle rivalité redoutable, quelle concurrence dangereuse lui a suscitée la théorie ou l’expérience ? Aucune.

On spécule beaucoup sur l’histoire et sur l’avenir de la société. L’esprit se donne carrière, et l’humanité est remise tous les jours sur l’enclume de la théorie, pour être reforgée à la fantaisie des réformateurs. Mais tout cela n’a encore produit qu’un bruit au loin retentissant. Au risque de manquer de respect aux sectes novatrices