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DE LA FORCE DU GOUVERNEMENT ACTUEL.

majorité des chambres que fut destinée la grande entreprise parlementaire qui a terminé brusquement au commencement de 1839 la carrière de la chambre de 1837. Sans revenir sur un évènement diversement jugé et qui décidément n’a pas réussi, la coalition, dans ce qu’elle avait de vraiment politique, était la tentative de faire passer le gouvernement de la politique de conservation à la politique d’action.

Je répète qu’elle n’a pas encore réussi, et la politique de conservation pure et simple, celle qui met toute son énergie à combattre ce qui lui nuit, et qui n’en garde pas pour tenter ce qui l’honore, semble, après quelques oscillations, avoir encore une fois repris le terrain qu’elle avait perdu. C’est un succès d’amour-propre et un gage de sécurité pour tous ceux qui croient ce gouvernement si faible que son existence suffit à leur admiration.

Que ceux-là en jugent ainsi qui portent dans la politique la commune prudence qui suffit à la vie privée, rien n’est plus simple. Mais des esprits plus élevés et qui sont destinés à exercer toujours une grande influence, semblent juger de même les ressources et les destinées de notre gouvernement ; et c’est le vrai mal de la situation, car l’erreur des hommes supérieurs est toujours un malheur public.

Au premier rang de ceux-là se trouvent naturellement ceux qui ont constamment pris part aux affaires sous d’autres règnes, et que recommandent et l’éclat des services et l’autorité de l’expérience. La révolution de juillet aurait été bien imprévoyante et bien ingrate de ne se point rattacher de tels hommes, de ne point chercher à se parer de leurs talens, à s’éclairer de leurs conseils ; son devoir était de recueillir dans l’héritage des gouvernemens précédens tout ce qui avait une valeur éprouvée, et le mérite avait des droits à sa justice et à sa confiance. Cependant que ces hommes honorables nous permettent de le dire, ils ne comprennent pas pleinement le gouvernement de 1830, et ils ne le comprennent pas parce qu’ils ne l’aiment pas. Leur esprit ne l’aime pas, bien que de leurs personnes ils lui soient fidèlement attachés, mais uniquement comme anciens et bons serviteurs de l’état. Ce gouvernement, dans ce qu’il a de propre et de caractéristique, leur plaît médiocrement, il n’est pas leur œuvre, il est pour eux une ressource dernière, une extrémité, une nécessité ; mais il est en même temps une tentative aventureuse dont ils souhaitent plus qu’ils n’espèrent le succès, et parmi les gouvernemens qu’ils ont honorablement servis, il n’en est aucun peut-être qu’ils n’aimassent mieux servir encore. Leurs premières affections, leurs convictions du moins, sont du côté de leurs souvenirs. Ils en ont