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UN HIVER AU MIDI DE L’EUROPE.

cénobitiques, de l’esprit de mortification et de pénitence. Tandis que les anciennes cellules étaient sombres, étroites et mal closes, les nouvelles étaient aérées, claires et bien construites. Je ferai la description de celle que nous habitions pour donner une idée de l’austérité de la règle des chartreux, même éludée et adoucie autant que possible. Les trois pièces qui la composaient étaient spacieuses, voûtées avec élégance et aérées au fond par des rosaces à jour, toutes diverses et d’un très joli dessin. Ces trois pièces étaient séparées du cloître par un retour sombre et fermé d’un fort battant de chêne. Le mur avait trois pieds d’épaisseur, la pièce du milieu était destinée à la lecture, à la prière et à la méditation ; elle avait pour tout meuble un large siége à prie-dieu et à dossier, de six ou huit pieds de haut, enfoncé et fixé dans la muraille. La pièce à droite de celle-ci était la chambre à coucher du chartreux ; au fond était située l’alcôve, très basse et dallée en dessus comme un sépulcre. La pièce de gauche était l’atelier de travail, le réfectoire, le magasin du solitaire. Une armoire située au fond avait un compartiment de bois qui s’ouvrait en lucarne sur le cloître, et par où on lui faisait passer ses alimens. Sa cuisine consistait en deux petits fourneaux situés en dehors, mais non plus suivant la règle absolue, en plein air. Une voûte ouverte sur le jardin protégeait contre la pluie le travail culinaire du moine, et lui permettait de s’adonner à cette occupation un peu plus que le fondateur ne l’aurait voulu. D’ailleurs, une cheminée introduite dans cette troisième pièce annonçait bien d’autres relâchemens, quoique la science de l’architecte n’eût pas été jusqu’à rendre cette cheminée praticable. Tout l’appartement avait en arrière, à la hauteur des rosaces, un boyau long, étroit et sombre, destiné à l’aération de la cellule, et au-dessus un grenier pour serrer le maïs, les oignons, les fèves et autres frugales provisions d’hiver. Au midi, les trois pièces s’ouvraient sur un parterre dont l’étendue répétait exactement celle de la totalité de la cellule, qui était séparé des jardins voisins par des murailles de dix pieds, et s’appuyait sur une terrasse fortement construite, au-dessus d’un petit bois d’orangers, qui occupait ce gradin de la montagne. Le gradin inférieur était rempli d’un beau berceau de vignes, le troisième d’amandiers et de palmiers, et ainsi de suite jusqu’au fond du vallon, qui, ainsi que je l’ai dit, était un immense jardin. Chaque parterre de cellule avait sur toute sa longueur à droite un réservoir en pierres de taille, de trois à quatre pieds de large sur autant de profondeur, recevant, par des canaux pratiqués dans la balustrade de la terrasse, les eaux de la montagne, et