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cheveux et la soignait en tout comme eût fait une mère attentive et vigilante ; saint Côme et saint Damien guérissaient les blessures qu’elle avait reçues dans ses luttes avec le démon, car sa victoire n’était pas sans combat ; enfin, saint Pierre et saint Paul se tenaient à ses côtés pour l’assister et la défendre dans les tentations.

« Elle embrassa la règle de saint Augustin dans le monastère de Sainte-Madeleine de Palma, et fut l’exemple des pénitentes, et, comme le chante l’église en ses prières, obéissante, pauvre, chaste et humble.

« Ses historiens lui attribuent l’esprit de prophétie et le don des miracles. Ils rapportent que, pendant qu’on faisait à Mallorca des prières publiques pour la santé du pape Pie V, un jour Catalina les interrompit tout à coup en disant qu’elles n’étaient plus nécessaires, puisqu’à cette même heure le pontife venait de quitter ce monde, ce qui se trouva vrai.

« Elle mourut le 5 avril 1574, en prononçant ces paroles du Psalmiste : Seigneur, je remets mon esprit entre vos mains. Sa mort fut regardée comme une calamité publique ; on lui rendit les plus grands honneurs. Une pieuse dame de Mallorca, dona Juana de Pochs, remplaça le sépulcre en bois dans lequel on avait déposé d’abord la sainte fille par un autre en albâtre magnifique qu’elle commanda à Gênes ; elle institua en outre, par son testament, une messe pour le jour de la translation de la bienheureuse, et une autre pour le jour de sainte Catherine sa patronne ; elle voulut qu’une lampe brûlât perpétuellement sur son tombeau.

« Le corps de cette sainte fille est conservé aujourd’hui dans le couvent des religieuses de la paroisse de Sainte-Eulalie, où le cardinal Despuig lui a consacré un autel et un service religieux[1]. »

J’ai rapporté complaisamment toute cette petite légende, parce qu’il n’entre pas du tout dans mes idées de nier la sainteté, et je dis la sainteté véritable et de bon aloi, des ames ferventes. Quoique l’enthousiasme et les visions de la petite montagnarde de Valldemosa n’aient plus le même sens religieux et la même valeur philosophique que les inspirations et les extases des saintes du beau temps chrétien, la viejecita Tomasa n’en est pas moins une cousine germaine de la poétique bergère sainte Geneviève et de la bergère sublime Jeanne d’Arc. En aucun temps l’église romaine n’a refusé de marquer des places d’honneur dans le royaume des cieux aux plus hum-

  1. Notes de M. Tastu.