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LES PROVINCES DU CAUCASE.

la Circassie une indépendance presque complète. Il y aurait folie à persévérer dans des sacrifices d’hommes et d’argent qui ne produisent aucun résultat. Avant de penser à s’agrandir et à s’étendre, la Russie doit introduire des changemens notables dans son administration. Ce n’est qu’en accomplissant de nombreuses réformes et en consultant les intérêts des peuples chrétiens et musulmans du Caucase que les Russes peuvent espérer de se les attacher un jour par les liens d’une amitié durable.

La mission du baron de Hahn est une faute qui doit entraîner de graves conséquences. En voulant soumettre les Géorgiens et les Arméniens aux lois générales du royaume, la Russie a éveillé leur inquiétude ; l’incorporation des provinces du Caucase dans le système des douanes de l’empire avait déjà causé un vif mécontentement, car elle arrêtait l’élan du commerce qui se développait en Géorgie, compromettait les fortunes engagées dans des rapports commerciaux avec la Perse et la Turquie, et favorisait les négocians russes au détriment des Arméniens. En se rattachant à la Russie, les Arméniens avaient cru pourtant que cette puissance leur offrirait plus de sécurité et plus d’avantages dans leurs transactions que les autorités turques.

Les provinces allemandes placées sous la domination de la Russie obéissent à des lois différentes de celles qui régissent le reste de l’empire. Elles ont conservé des garanties contre le despotisme du czar et une constitution conforme à une civilisation beaucoup plus avancée que celle de la Russie. Pourquoi les provinces du Caucase n’obtiendraient-elles pas les mêmes avantages ? Le système d’administration est si vicieux en Russie, que les hommes appelés à diriger les affaires reconnaissent eux-mêmes les abus qui se commettent. Les réformer et non les étendre devrait être le but de leurs efforts. Au lieu d’imposer aux provinces du Caucase des tribunaux semblables à ceux de la Russie, et jugeant d’après des lois applicables à des hommes qui sont tous ou nobles ou serfs, pourquoi ne pas se livrer à une étude sérieuse des principes qui gouvernent les peuples du Caucase ? La Russie ne pourrait-elle, prenant en considération le degré de civilisation, les habitudes et les mœurs de ces peuples, chercher à donner à chacun les garanties qui doivent assurer la tranquillité et la prospérité du pays ?

L’empereur exprime un désir, et chacun s’empresse de s’associer à ses vues sans oser émettre un doute sur l’utilité du résultat qu’on poursuit. L’empereur veut que la Géorgie soit assimilée aux autres provinces de la Russie ; le baron de Hahn part pour introduire dans le