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LES PROVINCES DU CAUCASE.

acharnée est l’Angleterre, que partout les Anglais se trouvent en opposition avec elle. Que nous fait le système de gouvernement adopté par les Russes ? Ce qu’il nous importe, c’est que la Russie, comprenant ses véritables intérêts, unisse ses forces aux nôtres. Les fautes des cabinets européens ont amené la domination anglaise à un degré d’orgueil qui doit la perdre le jour où la France et la Russie oublieront les différences, qui existent entre leurs formes de gouvernement et leurs civilisations, pour ne s’occuper que des intérêts matériels qui doivent les unir.

Les Cosaques, décimés par les guerres du Caucase, commencent à montrer un esprit de rébellion que la Russie doit chercher à combattre. Ce n’est qu’en renonçant à une guerre inutile pour servir, par sages et lentes réformes, la cause de la civilisation, que l’empereur mettra fin au désordre qui règne dans le Caucase, et comprimera un mécontentement qui peut devenir sérieux, si quelque échec imprévu compromettait l’armée russe.

Cent soixante mille hommes de troupes n’ont pu, cette année, amener la soumission d’aucune peuplade. Au contraire, des tribus tranquilles jusqu’alors se sont soulevées pour soutenir leurs coreligionnaires. Pourquoi lutter plus long-temps ? L’épreuve a été assez longue et assez terrible. La Russie ne peut se rendre maîtresse par les armes du Daghestan, ni de la Circassie. Conquérir ces provinces par les voies plus sûres de la civilisation et du commerce, tel doit donc être son seul but à l’avenir. Mais pour obtenir, en suivant ce nouveau système, des résultats heureux, il faut ménager la susceptibilité des peuples indépendans, connaître leur caractère, respecter leurs préjugés, leurs croyances, et surtout agir avec franchise, avec loyauté. Cette dernière condition n’a guère été remplie jusqu’à présent par les autorités russes, qui mettent à prix la tête des montagnards que signale leur bravoure ou leur influence. Si, au lieu de s’obstiner à poursuivre la conquête des provinces du Caucase, l’empereur employait sa force de volonté à leur assurer une prospérité toujours croissante en leur octroyant un système applicable à leur civilisation actuelle, il rendrait à la Russie sa liberté d’action dans les guerres que l’état de l’Europe pourrait amener plus tard. L’influence de la Russie trouve aujourd’hui des adversaires dans tous ceux qui la voient tendre, par le progrès de ses armées, à l’anéantissement des populations du Caucase ; l’appui et l’approbation de tous seront au contraire acquis à cette influence, dès qu’elle se dévouera uniquement à la civilisation. Améliorer le sort de ses sujets encore