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barbares en Europe et en Asie est un noble et beau triomphe que l’empereur devrait se proposer ; cette tâche est d’autant plus difficile, que la Russie manque d’hommes capables de comprendre et de réaliser les améliorations réclamées par l’état du pays. Malheureusement de longues années s’écouleront peut-être encore avant que les Russes aient reconnu combien leur système actuel est peu fait pour assurer le bien-être des populations que le sort des armes a remises en leur pouvoir. Aujourd’hui la puissance de la Russie n’est qu’extérieure ; les peuples subjugués sont froissés chaque jour dans leurs intérêts, dans leur religion ; ils sont dépendans sans être dévoués : tant qu’un pareil état de choses subsistera dans le Caucase, la Russie ne pourra s’y maintenir que grace à un nombre considérable de troupes. Combien d’années cette lutte durera-t-elle ? Nul ne peut le prévoir ; mais je crois que les succès des Circassiens et des Lezghiens amèneront l’empereur à un changement de politique. Ces succès, se prolongeant, décideront probablement les Cosaques à refuser les nouvelles levées exigées par ces guerres cruelles, et l’empereur ne voudra pas compromettre la popularité de son gouvernement en assumant la sanglante responsabilité d’une lutte continuée sans but utile, sans espoir de résultats avantageux pour la Russie ; car ce n’est ni le sol ni l’espace qui manquent à son gouvernement mais une population forte, industrieuse et libre.


Le Cte de Suzannet.