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LA HOLLANDE.

jour dans ses romans, Bogaers dans ses poèmes. À quelques lieues de Harlem est l’ancien château d’Egmont, ce héros de la Hollande, ce martyr de l’inquisition espagnole. Sa demeure seigneuriale, jadis resplendissante de tant d’éclat, et animée par tant de nobles fêtes, tombe en ruines ; cependant le Hollandais en montre encore avec vénération les tours lézardées au voyageur, en racontant la gloire et la mort du vainqueur de Gravelines dans un langage moins élevé, mais plus dramatique peut-être que celui de Goethe.

Cette province de Noord-Holland est l’une de celles où le génie industrieux et patient du peuple hollandais s’est le plus opiniâtrement exercé dans sa lutte contre l’eau des marais et les flots de la mer. Les digues de Petten sont un chef-d’œuvre d’audace et de persévérance ; le canal étonne tous ceux qui en ont mesuré l’étendue, et sur plusieurs autres points de ce long district on trouve des travaux d’une hardiesse étonnante. Il y a quelques siècles, disent les chroniqueurs, que le sol où s’élève Alkmaar était inondé par quarante-trois lacs. Aujourd’hui, à la place de ces eaux funestes, on aperçoit de vertes prairies traversées par de longues allées d’arbres, parsemées de riantes maisons de campagne, et une ville de dix mille ames, élégante, animée, enrichie par un commerce actif. C’est dans cette ville d’Alkmaar que chaque semaine, de tous les villages, de tous les hameaux de la province, arrivent les produits agricoles qui doivent être répandus par les canaux dans le reste du royaume ou transportés en pays étrangers. À chaque marché, il se vend là plus de deux cent mille livres de fromage, et du beurre en proportion.

D’Alkmaar, un treckschuit part chaque matin pour le Helder. Le treckschuit est le véhicule favori des Hollandais, et il y a long-temps que j’ai envie de le décrire. Comment faire ? ô Muses !… Mais n’est-ce point une nouvelle profanation que d’appeler ici les Muses au secours de ma faiblesse pour parler d’une espèce de navire qui n’était connu, j’ose le croire, ni des Grecs, ni des Romains ? Laissons donc les doctes déités dans la région classique où elles dorment si paisiblement sur un monticule d’épopées et de tragédies soporifiques qui augmentent singulièrement la hauteur de l’Olympe, et tâchons de dire sans périphrase ce que nous avons vu sur un des nombreux canaux du pays batave. Le treckschuit est une barque couverte, divisée en deux compartimens. Dans celui qui est près de la proue sont les bagages, les tonnes de beurre et de harengs, et les voyageurs pauvres qui, pour quelques dobbelltie, s’en vont, moitié dormant, moitié fumant, d’une ville à l’autre ; dans le second, qui porte