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Birmans qu’il était en mesure non-seulement de repousser toute agression, mais de châtier les agresseurs. Depuis cette époque, Tharawadi a jugé à propos de rester dans l’inaction. Les relations du gouvernement suprême avec la cour d’Ava ne sont pas amicales ; mais le souverain birman a reçu, de l’invasion de l’Afghanistan par les troupes anglaises, un avertissement utile dont l’influence durera probablement quelques années.

Cependant, pour quiconque a étudié le caractère birman, il ne pourrait être douteux que dans un avenir peu éloigné, les relations de l’Inde anglaise avec ce pays prendront un caractère décisif d’hostilité. L’ignorance et l’arrogance de la cour d’Ava sont au-dessus de tout ce que nous pouvons nous figurer en Europe. Quand Maha-Baudoula, le général favori du dernier roi, envahit le district de Tchittagong au commencement de la dernière guerre, il apportait avec lui des chaînes en or destinées à lord Amherst, et il avait ordre, une fois Calcutta pris, de marcher sur Londres, et de s’en emparer ! Les défaites succédèrent aux défaites, sans dissiper cette ivresse d’aveugle orgueil qui caractérise si particulièrement les Hindo-Chinois. Les officiers birmans, fuyant devant l’armée anglaise, qui s’avançait sur la capitale, tout persuadés qu’ils dussent être enfin de l’inutilité d’une lutte prolongée, ne s’en croyaient pas moins obligés (ainsi que leurs lettres interceptées l’ont prouvé) de pallier par les rapports les plus absurdes leur impuissance à arrêter l’ennemi ; et le malheureux général qui commandait dans la dernière occasion où les Birmans essayèrent de tenir, à un endroit nommé Paghammiou, fut condamné à être foulé aux pieds des éléphans, quand il apporta la nouvelle de sa défaite. Les yeux du roi ne s’ouvrirent sur le danger de sa situation que lorsque les troupes anglaises n’étaient plus qu’à trois marches de la capitale (mai 1825). Il fallut céder alors ; cependant il est peu probable que la terrible leçon que reçurent les Birmans ait suffi à leur donner une idée exacte de l’immense supériorité de leurs adversaires. Quinze ans ont passé sur ces évènemens ; un nouveau souverain est monté sur le trône, et ne rêve que l’affranchissement des stipulations honteuses imposées par le canon anglais à son prédécesseur. On ne peut sans une extrême difficulté négocier avec un peuple aussi orgueilleux que les Birmans, ni résister aux provocations continuelles de leur stupide insolence, et du pillage auquel ils se livrent parfois, en empiétant sur les limites que ce traité leur a assignées ; néanmoins le gouvernement de l’Inde a sagement évité jusqu’à ce jour d’accepter les occasions de rupture que l’imprévoyante ambi-