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REVUE. — CHRONIQUE.

15 juillet est-il complètement sorti du domaine de la politique pour entrer dans le domaine de l’histoire ?

Si la question politique ne pouvait pas être résolue dans la discussion des crédits supplémentaires, il n’en est pas de même de la question financière. On sait que le cabinet du 1er mars a été à cet égard l’objet d’attaques vives et réitérées. Une dernière accusation avait été, sur ce point, portée contre lui à la tribune du Luxembourg, dans la discussion de la loi des fortifications de Paris. « Votre administration a coûté à la France un milliard ! » C’était là le reproche qu’on lui adressait avec fort peu d’à-propos, dans une délibération solennelle où il ne s’agissait pas de savoir ce que le 1er mars avait dépensé, mais bien s’il fallait défendre la capitale contre l’étranger.

Les ministres du 1er mars ont voulu, c’était leur droit, détruire cette grave accusation dans la discussion des crédits supplémentaires. À notre avis, leurs explications franches, complètes, pressantes, ne peuvent pas laisser l’ombre d’un doute dans l’esprit de tout homme impartial. Le découvert d’un milliard est dû à des entreprises, à des décisions de la législature complètement étrangères à la politique particulière du 1er mars. Nous avons voulu beaucoup dépenser, faire mille choses à la fois, sans augmenter l’impôt ; il en est résulté un découvert : qu’y a-t-il là d’étonnant ? Au 15 juillet, on s’est enfin aperçu que les travaux civils avaient fait par trop oublier notre état militaire, nos approvisionnemens, nos ports, nos places fortes. Il a fallu y songer. Et quel est le ministère qui aurait pu ne pas y songer ? Il aurait été coupable de trahison. Le cabinet du 1er mars a pourvu aux nécessités du pays, il y a pourvu avec un courage, une intelligence, une activité qui est son plus beau titre d’éloge. On l’accuse aujourd’hui, on lui reproche les découverts du trésor ; mais a-t-on rejeté ses mesures, suspendu ses travaux, révoqué les ordres d’approvisionnemens et d’achat ? Nullement. On a tout adopté, tout sanctionné. C’est sur la question des armemens futurs, de ces armemens qui n’avaient encore rien coûté, qui n’étaient tout au plus qu’en projet, c’est surtout sur le but des armemens qu’on s’est séparé de lui ; tout le reste a été approuvé. Qu’est-ce à dire ? voudrait-on accepter les faits du 1er mars et rejeter ses dépenses ? De bonne foi, c’est trop fort.

Au surplus, ce n’était pas du ministère que venaient réellement ces accusations. M. le ministre des affaires étrangères a reconnu au contraire que le maintien de notre état militaire lui était utile pour les négociations qu’il venait d’entreprendre. M. le ministre des finances avait à la vérité arrangé quelque peu ses phrases et groupé ses chiffres de manière à nous effrayer pour le présent et à se ménager à lui-même un brillant avenir ; mais, M. Thiers l’a reconnu, s’il y avait eu là une intention bienveillante pour soi-même, il n’y avait pas eu d’intention hostile pour ses prédécesseurs.

Nous ne voulons pas, du reste, nous aveugler sur notre situation financière. Si elle est loin, très loin d’être désespérée, elle est cependant grave et digne d’une sérieuse attention. Autant il serait injuste de l’imputer au cabinet du 1er mars, autant il serait absurde de fermer les yeux sur un désordre financier