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assez complète pour rivaliser avec les grands recueils consacrés à l’histoire de la noblesse et du clergé, et se trouver à la hauteur de la fortune politique de ce troisième ordre, le dernier en date, long-temps le moindre en pouvoir, mais que la Providence, dit M. Thierry, destinait à vaincre les deux autres et à les absorber dans une seule masse nationale, désormais compacte et homogène[1]. Désigné par la nature de ses travaux à la direction de cette entreprise, M. Augustin Thierry fut ainsi amené vers cette importante question des communes par laquelle nous l’avons vu entrer dans la carrière de l’histoire. Mais, à présent, ce ne sera pas avec un nombre plus ou moins limité d’exemples et de documens partiels, c’est en présence de tous les titres originaux, recueillis de toutes les parties du royaume, qu’il va porter sur ce problème un jugement complet et solennel Dans ces modifications, ou, pour mieux dire, dans cet agrandissement progressif de sa pensée, on ne peut qu’admirer la force d’intelligence, l’impartialité d’esprit et la parfaite bonne foi de l’écrivain. Laissons-le parler :

« Il y a, certes, un grand mérite d’à-propos dans l’intention de recueillir et de rassembler en un seul corps tous les documens authentiques de l’histoire de ces familles sans nom, mais non pas sans gloire, d’où sont sortis les hommes qui firent la révolution de 1789 et celle de 1830… De grandes leçons et de beaux exemples pour le siècle présent peuvent sortir de la révélation de cette face obscure et trop négligée des dix derniers siècles de notre histoire nationale. Il y avait chez nos ancêtres de la bourgeoisie, cantonnés dans leurs mille petits centres de liberté et d’action municipales, des mœurs fortes, des vertus publiques, un dévouement naïf et intrépide à la loi commune et à la cause de tous ; surtout ils possédaient à un haut degré cette qualité du vrai citoyen et de l’homme politique qui nous manque peut-être aujourd’hui, et qui consiste à savoir nettement ce qu’on veut, et à nourrir en soi des volontés longues et persévérantes.

« Dans toute l’étendue de la France actuelle, pas une ville importante qui n’ait eu sa loi propre et sa juridiction municipale, pas un bourg ou simple village qui n’ait eu ses chartes de franchise et ses priviléges communaux ; et, parmi cette foule de constitutions d’origine diverse, produit de la lutte ou du bon accord entre les seigneurs et les sujets, de l’insurrection populaire ou de la médiation royale, d’une politique généreuse ou de calculs d’intérêts, d’antiques usages

  1. Voy. Rapport au ministre de l’instruction publique, 10 mars 1837.