Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 26.djvu/375

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
371
L’ÉCOSSE.

qui tuent, s’efforçant de les séduire et de les rendre propices par leurs dons : « Voilà pour vous, souris et rats, mais vous ne mangerez plus mes gâteaux et mon fromage ! répètent-ils tour à tour ; voilà pour vous, belettes, mais vous ne croquerez plus mes œufs ! voilà pour toi, bon renard, épargne désormais mes agneaux ! voilà pour toi, corbeau au capuchon noir, ménage le blé de mon champ ! voilà pour toi, aigle aux grandes ailes, ne dévore plus mes poules et mes pigeons ! » Quand ce sacrifice et ces vœux sont achevés, tous ceux qui y ont participé s’asseient en cercle sur le gazon et se partagent le reste de leurs provisions, arrosant le repas d’ale mousseuse et de whiskey.

Comme chez toutes les nations de l’Europe, mais principalement chez les nations d’origine germanique, chaque corps de métier a ses superstitions traditionnelles ; les tanneurs, les forgerons, les mineurs, les charpentiers, ont les leurs, assez prosaïques d’ordinaire, comme toutes celles des corps de métiers sédentaires, Les matelots, les pêcheurs, les bergers et les chasseurs, gens nécessairement plus aventureux, et sur lesquels l’imagination a plus de prise, sont beaucoup plus amis du merveilleux, et leurs légendes sont plus poétiques. Celle des marins et des pêcheurs leur sont communes avec les peuplades norvégiennes ; les légendes des bergers et des chasseurs ont quelque chose de plus tranché et de plus national. Walter Scott, dans ses poèmes et ses ballades[1], en a popularisé quelques-unes. Il en est beaucoup d’autres qui sont restées inédites et qui ne sont pas moins intéressantes. Les sorciers, les fantômes et les êtres surnaturels sont les principaux acteurs de ces récits dramatiques dont la terreur semble toujours le mobile. On retrouve dans chacune de ces légendes les idées superstitieuses du peuple, superflu de croyance qui s’attache surtout à la religion, opinions erronées et bizarres qui prennent cependant leur source dans la vérité, ombres fantastiques que l’imagination, ce flambeau mobile et vacillant, fait courir à l’entour de l’immobile réalité.

Il y aurait un curieux recueil à faire de ces légendes oubliées ou négligées. Nous ne voulons en choisir qu’une seule, qui nous paraît plus propre qu’aucune autre à faire comprendre comment, dans l’imagination du peuple écossais, les superstitions de la mythologie septentrionale se mêlent aux idées chrétiennes. C’est la légende des Femmes vertes (Green women).

  1. Voy. The Minstrelsy of the Scottish border.