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L’ÉCOSSE.

fois d’un éclat étrange et d’une voluptueuse ardeur. Sans ce regard tout-à-fait terrestre, les chasseurs eussent pris ces créatures si belles pour des anges du ciel ; mais d’où venaient-elles ainsi parées ? et à quel propos leur faisaient-elles cette visite nocturne ?

Les jeunes gens questionnent avec empressement les deux visiteuses, qui ne leur répondent que par les sourires les plus agaçans et les regards les plus lascifs. C’est alors que l’un des chasseurs, plus téméraire que son compagnon et attiré par le feu de ce regard, comme le papillon par la flamme de la lampe, saisit la plus voisine des jeunes filles et la presse dans ses bras ; mais, quelle que soit sa hardiesse, son cœur bat tout à la fois d’émotion et de terreur. Un cri joyeux suivi d’un long éclat de rire l’a bientôt rassuré : la belle danseuse vient d’échapper à son étreinte ; le jeune homme, qui croyait baiser sa blanche épaule, n’a rencontré que le vide ; il veut la saisir de nouveau, l’inconnue glisse entre ses bras comme la couleuvre entre les ormeaux de la prairie, et se précipite hors de la chaumière en lançant au chasseur un regard plein de flammes. Le malheureux ne peut résister à de si séduisantes avances ; vaincu ; il s’élance à sa suite et disparaît comme elle dans les ténèbres de la nuit.

— Allons voir ce qu’ils sont devenus, s’écrie la jeune fille qui est restée seule avec l’autre chasseur.

— Non, de par saint André ! je n’aurais garde de les troubler.

— Sans les troubler, nous pouvons bien les suivre et faire comme eux, dit la belle inconnue avec un accent plein d’amour et de coquetterie ; la vallée est assez large pour eux et pour nous.

— La nuit est bien noire, et il fait froid dans la campagne ; viens plutôt t’asseoir à mes côtés près de ce bon feu.

— La lune brille avec tant d’éclat sur les cimes azurées des monts, la cascade roule avec tant de splendeur ses masses d’argent fluide, viens, viens. — Et en disant ces mots elle s’approche de la porte ; son œil brille de lueurs si profondes, si ardentes, il y a tant de décision et de voluptueuse impatience dans sa démarche, que le jeune homme se lève tout tremblant ; il commence à soupçonner que c’est une créature surnaturelle, une des femmes vertes qu’il a devant lui ; prêt à franchir le seuil de la porte, il s’arrête :

— Attendons que mon camarade soit de retour, dit-il à la jeune fille.

— Il peut rester longtemps dehors, et tout à l’heure je dois partir ; suis-moi, donne-moi ta main !