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beaucoup de ses compatriotes, un voyage en Hollande, et rapporta de ce pays divers procédés pour la fabrication du fil blanc (dit fil de Hollande). Comme elle avait un peu d’argent, à son retour en Écosse, elle établit une petite manufacture qui prospéra. Les voisins de mistress Wittar l’imitèrent, et le pays se couvrit peu à peu d’établissemens analogues. Non contens de fabriquer le fil, de plus adroits ouvriers le tissèrent, et employèrent au même usage le coton, la laine et la soie. Les profits étaient considérables, et plusieurs manufactures se formèrent bientôt sur une plus grande échelle dans tout le Renfrewshire, mais surtout Paisley. C’est donc autant à mistress Wittar qu’à miss Shaw que cette ville doit sa richesse et son rapide accroissement. Aujourd’hui, Paisley fabrique pour 150,000 livres sterling de fil blanc, dit fil d’Écosse, et peut-être pour plus de 2,500,000 livres sterling de gazes, batistes, mousselines, et toiles de toute espèce.

Paisley ressemble plutôt à une manufacture établie sur une échelle gigantesque qu’à une ville, chaque quartier et presque chaque rue étant le siége d’une industrie différente. Il ne faut donc pas être surpris des noms caractéristiques des principales rues de cette ville. Si vous sortez de la rue du Fil, c’est pour entrer dans la rue de Batiste, de la rue de Batiste, vous passez dans celle de la Gaze qui vous conduit à celle du Ruban ou de la Toile, et ainsi de suite. Paisley est bien la terre classique de l’industrie manufacturière, le beau idéal de la fabrique ; cette ville qui, vers 1700, n’avait pas 1,200 habitans, en compte aujourd’hui 65,000 environ. Ses maisons, dont la plupart n’ont guère qu’un étage, couvrent un vaste espace de terrain ; nos vieilles cités manufacturières, Lille ou Rouen, n’ont pas une étendue aussi considérable que cette ville née d’hier ; leur mouvement commercial ne peut non plus se comparer à celui de ce grand atelier écossais.

La réforme parlementaire de 1832 n’a pas changé la situation politique respective de l’Écosse et de l’Angleterre. L’Écosse a conservé ses 16 pairs élus par les 84 membres de la pairie nationale[1], qu’ils représentent à la chambre des lords. Avant la réforme, elle envoyait 45 membres à la chambre des communes ; elle en nomme aujourd’hui 53 ; 30 d’entre eux sont élus par ses 33 comtés, et 23 par les villes et bourgs. Matériellement, son influence politique est proportionnellement la même, moralement elle s’est accrue, l’accord entre

  1. Le peerage écossais se compose de 7 ducs, 4 marquis, 39 earls ou comtes, 3 comtesses, 6 vicomtes, 24 barons et 1 baronne, en tout 84 pairs. De ce nombre, 35 sont pairs du royaume-uni et 16 sont pairs représentatifs à la chambre haute.