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L’ÉCOSSE.

quand Muir, Palmer et Gérald déployaient le drapeau de l’insurrection et appelaient leurs concitoyens aux armes, jamais il ne fut question de faire intervenir l’étranger dans ces querelles domestiques. Toute allusion au rappel de l’union des deux royaumes fut même soigneusement écartée. L’Écossais, tout mécontent qu’il pouvait être, se rappelait qu’il habitait la même île que l’Anglais. Les deux peuples ont pu se combattre pendant des siècles ; aujourd’hui les mêmes intérêts les rapprochent comme le même sol les fait vivre. À Édimbourg et à Glasgow, comme à Londres, on trouve tous les amours-propres d’accord pour déguiser aux yeux de l’étranger le côté faible de la nation. La haute opinion que ces insulaires ont d’eux-mêmes, la supériorité qu’ils s’accordent comme peuple sur toute autre nation, les défauts même de leur caractère, cette raideur et cette contrainte qui vont quelquefois jusqu’à l’impolitesse, sont peut-être les principaux mobiles du patriotisme anglais ; mais, quelques puériles que soient ces causes, l’effet n’en est pas moins à envier. L’amour-propre, se trouvant ainsi sur un continuel qui vive, rend sans nul doute la société peu agréable, disons plus, peu supportable. Qu’est-ce que cela, si le même amour-propre fait faire de grandes choses à chaque individu pris isolément, et si, s’aidant du concours de chacun, il ne tend qu’à placer la nation au premier rang ?

À Édimbourg et à Glasgow, ainsi qu’à Londres, le gouvernement a su tirer un merveilleux parti de cette susceptibilité nationale ; il s’est surtout bien gardé de la dédaigner, et souvent il renonce à faire sentir son action plutôt que d’y porter atteinte. Nous nous étonnons de la violence des publications réformistes de M. Tait et des feuilles démocratiques de Glasgow, d’Édimbourg et des comtés du sud ; les déclamations de M. Urqhuart nous effraient : le gouvernement anglais ne s’en est jamais inquiété. Cette tolérance porte un coup mortel au prosélytisme, qui a besoin de persécutions ; elle a de plus pour effet de diminuer la fougue des attaques : les gens qu’on ne poursuit pas, qu’on n’écoute pas, ne peuvent crier à la tyrannie. Ajoutons que c’est encore un moyen de gouvernement de savoir fermer l’oreille à propos. La police ne se montre pas plus en Écosse qu’en Angleterre ; elle s’efface à propos et permet le tumulte à certaines doses. Elle ressemble à ce maire d’une petite ville qui, la nuit, entendant du bruit dans la rue, sort de son lit, court à sa fenêtre, et, l’ouvrant, demande aux tapageurs : « Qu’y a-t-il ? messieurs ; me lèverai-je ? » Le peuple écossais répond presque toujours : « Ne vous levez pas ; » car il sait s’arrêter à volonté et à temps.