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LE SALON.

cactus et autres plantes grasses du premier plan à droite, nous retrouvons la science de dessin, la touche vigoureuse et originale des grands roseaux et plantes aquatiques du Nil, de sa Vue du Caire. On pourrait observer cependant que le voile vaporeux répandu sur le tout n’est pas assez transparent, et que le ton général est un peu mou.

L’analogie du sujet, plutôt que celle de la manière, nous autorise à citer ici les Ruines de Karnak, à Thèbes, par M. Labouere. C’est une vue d’après nature, saisie surtout par le côté grandiose, mais un peu aussi par le côté théâtral ; il faut éviter, en ce genre, les effets de panorama. Comme composition, ce paysage, d’ailleurs remarquable, a le défaut d’être partagé en deux moitiés par le massif de ruines et le grand arbre du milieu, d’où résultent, en quelque sorte, deux tableaux distincts et deux points de vue.

Le sujet biblique d’Élie faisant mettre à mort et précipiter les faux prophètes, a fourni à M. Rémond l’occasion d’une de ces compositions colossales qu’il paraît affectionner. On pourrait littéralement se promener dans son paysage. Mais le style grandiose n’a pas besoin de tant d’espace pour se déployer. Toutefois, malgré l’exagération de cet appareil théâtral, ce paysage ne peut qu’ajouter à la réputation de cet artiste recommandable.

Nous voyons avec quelque peine M. Huet se disposer à changer de manière. Celle qu’il s’était faite était sans doute fort arbitraire et d’une originalité suspecte, mais enfin elle était sienne. Sa vue d’un Torrent en Italie trahit une direction nouvelle dont nous ne pouvons pas le féliciter, quoiqu’elle révèle beaucoup de talent. Nous préférons son Lac, où l’imagination domine et va jusqu’à la fantaisie, mais dont l’effet est singulièrement attachant. La composition est très simple : une grande pièce d’eau verdâtre, froide et dormante, bordée de tous côtés de grands arbres et de taillis épais, un air humide, la demi-obscurité de la chute du jour, un temps couvert ; au travers du bois, deux cavaliers, suivis de quelques chiens, galopant à toute bride, comme s’ils étaient poursuivis. L’impression en est mystérieuse et presque sinistre.

Après les principaux représentants de l’école dont il s’agit, on pourrait en trouver beaucoup d’autres encore qui se rattachent moins directement au même point de vue, par exemple M. Marandon de Motyel dans ses souvenirs des Environs de Bade ; M. Flacheron qui dans sa Mort d’Abel, un peu trop sombre d’effet, a mis à profit les belles lignes naturelles des montagnes de Subiaco ; M. Troyon