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L’AFRIQUE SOUS LA DOMINATION FRANÇAISE.

jetèrent avec empressement : près de cent ans d’influence ou même de domination romaine avait préparé leur arrivée, et ils s’établirent dans les villes principales de l’Afrique. Quand Adherbal, poursuivi par Jugurtha, qui venait de faire tuer Hiempsal, s’enfuit à Cirtha (Constantine), ce sont des Romains ou des Italiens[1] qui défendaient la ville contre Jugurtha[2]. Il y avait donc dès cette époque à Constantine (118 avant J.-C.) un grand nombre d’Italiens établis, plutôt sans doute comme commerçans que comme propriétaires, car Salluste dit plus bas[3], en parlant de Vacca ou Vaga, ville numide qui était le principal marché de la Numidie, que beaucoup d’Italiens y habitaient et y faisaient le commerce. Les commerçans italiens précédèrent donc en Afrique les propriétaires romains ; et quand ceux-ci s’y installèrent enfin, la conversion de la Numidie aux mœurs et aux idées romaines était déjà à moitié faite. Sous l’empire, au commencement du règne de Vespasien, il y avait dans la Mauritanie césarienne (province d’Alger) treize colonies romaines, et dans la Numidie (qui comprenait la province de Constantine) douze colonies[4]. Mais il ne faut pas croire que ces vingt-cinq colonies représentent en Afrique tout ce qui appartenait aux Romains ; la propriété romaine en Afrique était à cette époque bien plus étendue ; les grands de Rome y possédaient des domaines immenses, et Pline dit qu’il y avait six propriétaires qui possédaient, entre eux six, la moitié de l’Afrique, quand Néron les fit périr. Cette phrase curieuse nous explique à la fois l’étendue de la propriété romaine en Afrique et sa constitution.

Que résulte-t-il de ces faits ? d’abord que la propriété romaine fut lente à s’établir en Afrique, et que les Romains attendirent prudemment que la conquête fût complète pour se substituer aux propriétaires du pays. Mais une fois commencée, cette substitution fut rapide, et la propriété romaine s’organisa en Afrique comme elle était alors organisée en Italie, c’est-à-dire qu’il y eut d’immenses domaines appartenant à un très petit nombre de grands, et cultivés pour eux

  1. Des Italiens plutôt que de Romains, Salluste disant, chap. 28 : « Italici quorum virtute mænia defensabantur. »
  2. « Et nisi multitudo togatorum fuisset quæ Numidas insequantes mænibus prohibuit… » ? (Sall. chap. 24.)
  3. Chap. 51.
  4. Introduction de M. Dureau de La Malle aux Recherches sur l’hisoire de la partie de l’Afrique septentrionale connue sous le nom de régence d’Alger, Imprim. Royale, 1835, pag. 14.