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tâchons de connaître enfin la loi du mariage dans la septième période de la vie humanitaire[1], période où le mécanisme sociétaire commence à fonctionner, et qui pourtant ne doit être pour le genre humain que l’aurore du bonheur. C’est Fourier qui parle[2] et nous fait les honneurs de son nouveau monde :

« La liberté amoureuse commence à naître, et transforme en vertus la plupart de nos vices, comme elle transforme en vices la plupart de nos gentillesses. On en établit divers grades dans les liaisons amoureuses ; les trois principaux sont : 1o les favoris et favorites en titre, 2o les géniteurs et génitrices, 3o les époux et les épouses. Les derniers doivent avoir au moins deux enfans l’un de l’autre, les seconds n’en ont qu’un, les premiers n’en ont pas. Ces titres donnent aux conjoints des droits progressifs sur une portion de l’héritage respectif. Une femme peut avoir à la fois, 1o un époux dont elle a deux enfans, 2o un géniteur dont elle n’a qu’un enfant, 3o un favori qui a vécu avec elle et conserve le titre. Plus de simples possesseurs qui ne sont rien devant la loi. Cette gradation de titres établit une grande courtoisie et une grande fidélité aux engagemens. Une femme peut refuser le titre de géniteur à un favori dont elle est enceinte ; elle peut aussi, dans un cas de mécontentement, refuser à ces divers hommes le titre supérieur auquel ils aspirent. Les hommes en agissent de même avec leurs diverses femmes. Cette méthode prévient complètement l’hypocrisie dont le mariage est la source… Enfin les titres conjugaux ne s’acquièrent que sur des épreuves suffisantes, et, n’étant pas exclusifs, ils ne deviennent pour les conjoints que des appâts de courtoisie et non des moyens de persécution. »

Les continuateurs de Fourier ont-ils adopté ce singulier code conjugal, ou bien, s’ils le désavouent, par quelle combinaison l’ont-ils remplacé ? La lecture des nombreuses publications de l’école sociétaire ne répond pas à cette question d’une manière décisive. Mme Gatti de Gamond a la prétention de concilier le régime harmonien avec la morale consacrée, et rêve un phalanstère où doit régner une régularité monacale. Les désordres qui affligent notre société, dit-elle, n’ayant pas ordinairement d’autre cause que la misère, seront bannis d’un monde où l’aisance deviendra si générale, que chacun pourra

  1. Fourier et ses disciples partagent l’existence de l’humanité en plusieurs âges, qui doivent correspondre aux âges de la vie individuelle. L’humanité est encore dans son enfance, qui se subdivise en sept périodes. Nous sommes maintenant dans la cinquième de ces périodes, qui est celle de la civilisation. La période suivante sera celle de la transition, et conduira au septième âge, où l’harmonie sociétaire commencera à être réalisée. L’humanité sortira enfin de l’enfance pour entrer dans l’adolescence, la virilité, etc., pendant lesquelles on jouira d’un bonheur ineffable. Mais viendront ensuite la vieillesse, la décrépitude et la mort du genre humain. La vie totale de l’humanité sera de 80,000 ans.
  2. Fourier, Théorie des quatre mouvemens, édition de 1808, pag. 169 et suiv. — Nous empruntons au livre de M. Reybaud cette citation, rejetée dans les pièces justificatives, avec d’autres extraits piquans des ouvrages de Fourier.