Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 26.djvu/593

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
589
DU GOURVERNEMENT REPRÉSENTATIF.

La troisième, dans son propre intérêt, comme dans celui de la chambre devrait en être exclue. En 1831, certains fonctionnaires ont déjà été déclarés inéligibles, entre autres les préfets, et dans la dernière discussion sur ce sujet, plusieurs adversaires du principe des incompatibilités ont paru le regretter. Comprend-on pourtant un préfet faisant à Paris une opposition systématique au ministère dont en province il est en quelque sorte la personnification ? Or, ce qui est vrai des préfets l’est également de plusieurs autres fonctionnaires, bien qu’à un moindre degré.

Quoi qu’il en soit, en supposant ce classement opéré, il ne le sera jamais assez bien pour que la monarchie administrative et le gouvernement représentatif ne se heurtent plus d’une fois encore dans la personne des fonctionnaires publics membres de la chambre. Si maintenant de la chambre on passe au corps électoral, on voit apparaître d’autres difficultés.

L’administration est ainsi organisée en France, que chaque jour, à chaque heure, les localités comme les individus ont quelques bienfaits à attendre du pouvoir central. Secours pour les églises, pour les écoles, pour les bureaux de bienfaisance, tout se distribue à Paris avec une justice qui n’exclut pas toute faveur. De plus, dans l’état de notre société et de nos mœurs, il n’est peut-être pas une famille qui ne sollicite pour un ou pour plusieurs de ses membres soit l’entrée dans une carrière publique, soit un avancement qui peut tarder plus ou moins long-temps. Or, comme, par une pente bien naturelle, les ministres sont plus disposés à écouter leurs amis que leurs adversaires, il est évident que la situation des localités et des individus est loin d’être la même quand le député qui les représente est ministériel ou de l’opposition. Dans le premier cas, on obtient quelquefois même ce qui n’est pas dû. Dans le second, on n’obtient pas toujours même ce qu’on a droit d’obtenir. Et qu’on ne dise pas que les choses se passent de même en Angleterre. En Angleterre, où le droit électoral est placé bien plus bas, le trafic des votes et des consciences se fait presque publiquement et la corruption, malgré toutes les lois qui la condamnent, marche le front levé. C’est un grand mal, un mal honteux ; mais, en Angleterre, je l’ai déjà dit, le ministère et l’opposition disposent des mêmes moyens et se battent à armes égales. En France, tout l’avantage est pour le parti ministériel, quel que soit le ministère.

Ici, qu’on le remarque bien, je touche à quelque chose de très sérieux, et qui, dans un avenir peu éloigné, peut avoir des consé-