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LES PROVINCES DU CAUCASE.

tomber sous le fer des montagnards. Aussi peut-on assurer qu’il n’est pas de condition plus malheureuse que celle du soldat russe dans les provinces du Caucase.

Le commandant d’un bataillon m’assura que, malgré la fatigue d’une route de plusieurs mois, il n’avait eu, durant le voyage de Moscou à Derbent, aucun malade. À peine entré à Derbent, il compta de trente à quarante soldats alités par jour. La fièvre faisait de tels progrès dans ce bataillon, qu’il fallut recourir à un changement de garnison. On l’envoya à une vingtaine de verstes dans la montagne, près d’une source d’eaux chaudes.

Je trouvai dans les murs de la ville quelques inscriptions romaines ; le commandant de Derbent, le colonel Boutskief, me montra une pierre tumulaire trouvée dans une fouille faite aux environs de la ville. Le colonel regardait cette inscription comme une preuve matérielle de la présence d’Alexandre à Derbent ; j’ai copié cette inscription, qui peut faire juger de sa naïve ignorance : « A. M. A. D. V. sid. » Cette inscription était sur trois lignes, et devait signifier : Alexander Macedonius Derbent. Le gouverneur me parut si enchanté de sa savante interprétation, que je le confirmai dans l’intention où il était d’envoyer ce monument historique à Pétersbourg.

C’est à partir de la citadelle même que commence la grande muraille qui, d’après le témoignage d’Abbas-Kouli-Khan, un des Orientaux les plus distingués et les plus versés dans l’histoire de ces provinces, se prolonge sur une longueur de deux cents verstes, et vient se terminer sur le versant opposé du Caucase près de Dariel. La construction de cette muraille remonte au règne des Sassanides ; des bastions réguliers et des tours s’élèvent à des intervalles de quatre cents mètres. Cette muraille se dirige à l’ouest et couronne les montagnes du Tabasseran ; des meurtrières garnissent le faîte des murs, revêtus de pierres énormes.

Le mouillage de Derbent est peu sûr ; les vents violens qui règnent sur la Caspienne rendent le séjour des petits bâtimens dangereux dans une rade ouverte de tous côtés, excepté vers l’ouest. Aussi ne font-ils que s’arrêter pour déposer quelques marchandises venant des ports d’Asterabad, Bakou ou Astrakhan. La ville n’occupe que la partie supérieure des murailles ; le littoral de la mer est bordé par des jardins.

Un bataillon et une compagnie d’artillerie sont cantonnés à Derbent. Le commandant m’assura que le climat était très sain pour les hommes habitués à cette chaude température. L’action du soleil