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LA COUR DES COMPTES.

pays, travail rempli de vues élevées, d’idées fécondes, que doivent étudier les hommes qui recherchent les meilleurs moyens d’assurer la prospérité de notre patrie.

L’institution de la cour des comptes remonte à une époque fort ancienne de la monarchie. On en trouve la première trace certaine sous saint Louis. Cinquante ans plus tard, on voit deux juridictions distinctes : celle des parlemens, chargés des affaires civiles et criminelles, et celle des chambres des comptes, chargées des matières de comptabilité publique. Ces deux juridictions furent d’abord réunies ; mais, en se séparant des parlemens, les chambres des comptes n’en restèrent pas moins cours souveraines, jugeant en dernier ressort sur tous les faits de finances. Plusieurs édits, depuis 1375 jusqu’à 1682, attestent l’autorité supérieure donnée à leurs arrêts.

Souveraines et indépendantes, les onze chambres des comptes, qui existèrent jusqu’en 89, avaient des attributions très-étendues. Outre les questions de comptabilité, elles jugeaient les questions domaniales et les crimes de faux et de concussion. De plus, la chambre de Paris enregistrait certains édits de finances, recevait les sermens des trésoriers de la couronne, et avait le droit de dénoncer au roi les abus. Aussi les chambres des comptes, et en particulier celle de Paris, firent entendre souvent des remontrances. On les vit plus d’une fois réclamer courageusement contre la tyrannie fiscale de l’ancienne monarchie, et signaler les déprédations qui épuisaient le trésor. Tandis que la prodigalité, l’ignorance et la force maintenaient les abus, l’idée de l’ordre et le sentiment du droit se conservaient dans les chambres des comptes. Elles blâmaient tour à tour, mais vainement, la multiplicité et le poids accablant des impôts, les exactions des collecteurs, la mauvaise foi des comptables, l’emploi des expédiens ruineux, parmi lesquels se renouvelaient sans cesse les aliénations du domaine, la refonte frauduleuse des monnaies, la vente des offices, et la rédemption des taxes ; unissant leurs plaintes à celles des états généraux et des parlemens, elles s’élevaient contre les confiscations, les amendes, les emprunts forcés, les réquisitions pour l’entretien et l’approvisionnement des troupes, le pillage des octrois des villes et la violation des dépôts judiciaires. Ces remontrances étaient du reste peu écoutées. On doit même avouer qu’elles étaient suivies quelquefois de concessions pusillanimes et de transactions honteuses, où les déprédations du fisc trouvaient l’appui de la magistrature même, chargée de les dénoncer et de les punir. C’était le caractère du temps de ne point persévérer dans les luttes contre le pouvoir, et de perdre par des fai-