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LA COUR DES COMPTES.

prendre. « Ils ont le pied dans l’étrier ; tôt ou tard ils seront à cheval. » À propos d’un corps judiciaire dont les habitudes sont très calmes, et dont la seule ambition est d’être utile, la comparaison était singulière, mais la prédiction était juste.

À dater de ce jour, en effet, les progrès de la cour des comptes sont assurés. Chargée d’une grande responsabilité, elle réclame tous les moyens de juger en connaissance de cause ; ces moyens lui sont donnés par l’administration. Déjà plusieurs mesures avaient eu pour effet de traduire directement à sa barre tous les grands comptables du royaume, qui échappaient autrefois à sa juridiction par l’intermédiaire d’un agent administratif, chargé d’examiner leurs gestions et d’en généraliser les résultats dans un compte d’ordre. D’autres règlemens eurent pour objet de mettre la cour en état de vérifier l’exactitude matérielle de tous les comptes des agens du trésor. Mais ce fut l’ordonnance du 14 septembre 1822 qui donna à la cour des comptes les plus sûrs moyens de contrôle. Quelques mots suffiront pour indiquer l’importance de ce règlement qu’il faut d’ailleurs connaître pour bien apprécier la justesse des réclamations présentées par la cour des comptes dans son dernier rapport au roi.

Avant l’ordonnance de 1822, les lois de finances étaient votées pour un espace de temps indéterminé que l’on appelait exercice. On ne fixait pas la durée de cet exercice. On ouvrait des crédits pour des dépenses présumées, c’est-à-dire pour des services à faire, sans limiter le temps pendant lequel les crédits ouverts resteraient applicables à ces services. Il en résultait que les demandes de crédits n’avaient point de bornes précises, que leur emploi n’était pas déterminé d’une manière rigoureuse, que les prévisions des chambres étaient incertaines, et que l’apurement des comptes suivait une marche irrégulière, toujours subordonnée aux circonstances. Le règlement de 1822 fit cesser cette confusion. Il fixa pour la première fois, quant aux dépenses, la durée légale de l’exercice, qui ne dut embrasser que les services faits pendant une année. En d’autres termes, chaque année eut son exercice financier, à qui elle donna son nom ; et les crédits ouverts par les chambres pour cet exercice ne purent être appliqués qu’aux services dépendant de cet exercice, c’est-à-dire aux services faits pendant l’année dont il prit le nom. Importante mesure qui limita les demandes de crédits et leur emploi, donna aux prévisions des chambres une base sûre, imposa aux administrateurs des obligations rigoureuses, et régularisa tout le système