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LA COUR DES COMPTES.

dans une situation déloyale ; qu’un gouvernement constitutionnel ne peut accepter ! Ainsi donc, d’après ce raisonnement, l’article 18 du décret de 1807 et l’ordonnance de 1822 sont deux armes dont l’administration peut disposer à son choix, sans se gêner ? Si elle veut que les dépenses soient valablement et régulièrement justifiées, elle invoque l’ordonnance de 1822 ; elle en recommande l’observation rigoureuse aux comptables ; elle en fait la base des arrêts de la cour des comptes ? Mais si l’administration trouve ce contrôle embarrassant, elle le supprime d’un seul mot ; elle invoque l’article 18 du décret de 1807, et elle casse, en vertu du décret, les arrêts rendus en vertu de l’ordonnance ? Cette situation est-elle possible ? Qui ne comprend que c’est là une contradiction manifeste, une illégalité commise au nom de la loi même, un abus de pouvoir qu’aucun sophisme ne saurait justifier ?

Les formules absolues entraînent souvent des conclusions bien fausses. On croit résoudre la question dont il s’agit par ce principe, qu’il faut une loi pour révoquer une loi, et que le décret de 1807 étant une loi, ce décret n’a pu être abrogé par l’ordonnance de 1822. Mais de quoi s’agit-il au fond ? S’agit-il de l’institution même de la cour des comptes, du principe de son inamovibilité, de ses attributions judiciaires, en un mot de ces dispositions fondamentales qui réclament la sanction suprême des lois ? Nullement. Il ne s’agit que de l’article 18 du décret, c’est-à-dire d’une disposition purement réglementaire agissant dans le même cercle que l’ordonnance de 1822, contraire, il est vrai, à cette ordonnance, mais se renfermant dans le même objet. Or, s’il a suffi d’une ordonnance en 1822 pour déclarer que les dépenses devaient être justifiées, apparemment une ordonnance eût suffi de même, en 1807, pour déclarer que les justifications n’étaient pas nécessaires. L’article 18 du décret de 1807, bien qu’il soit inséré dans un décret, n’a donc pas une force supérieure aux dispositions réglementaires de l’ordonnance de 1822. C’est la même nature de dispositions ; par conséquent, il n’y a aucune supériorité de l’une sur l’autre ; elles ont en principe une valeur égale, et par cette même raison l’une a pu être valablement modifiée ou abrogée par l’autre. Ce que l’article 18 du décret de 1807 a réglé, l’ordonnance de 1822 a pu le régler d’une autre façon ; et l’ordonnance étant postérieure au décret, le règlement établi par l’ordonnance doit prévaloir. Et comment pourrait-il en être autrement ? Pourquoi l’administration elle-même aurait-elle inséré, dans l’ordonnance de 1822 des dispositions contraires à l’article 18 du décret de 1807,