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rien sans les moyens de les exercer. Presque tous les régimes précédens avaient donné à la cour des comptes de grandes attributions. Elle en avait dès le XIVe siècle. Dès cette époque, nous l’avons vu, elle présentait au roi son rapport annuel. Elle enregistrait les édits de finances sous la monarchie. Elle avait le droit de remontrances. Elle recevait les sermens des contrôleurs-généraux. Après 89, elle avait été un instant confondue dans le sein même de la législature. Elle était chargée plus tard de dénoncer les abus aux corps politiques. L’empire enfin avait agrandi sa sphère, et lui avait conféré des devoirs importans. Mais toutes ces attributions, à peu près semblables dans tous les temps, étaient toujours restées inutiles. Pourquoi ? parce que les gouvernemens faibles ou violens qui les avaient conférées n’étaient point sincères, parce qu’ils cherchaient à se couvrir des apparences de la loyauté et de la justice sans subir la loi d’un contrôle réel. On abandonnait le titre et les prérogatives ; mais on refusait l’exercice du droit : c’est l’histoire de toutes les institutions libérales qui ont vécu sous les régimes absolus. Faut-il voir une arrière-pensée de ce genre dans les mesures prises à l’égard de la cour des comptes depuis 1814 ? Ces mesures sont-elles des concessions hypocrites ? Personne ne le supposera. Il est évident que les chambres ont voulu être éclairées, et que le gouvernement a voulu livrer ses actes au grand jour. Il a voulu que sa bonne foi ne fût soupçonnée de personne. Il a voulu que son ascendant, sa dignité, sa force, s’accrussent par la confiance et par l’estime publiques. Je ne puis mieux prouver ces intentions qu’en citant textuellement un passage du rapport qui précède l’ordonnance de 1826. Voici comment le gouvernement s’exprime dans ce rapport :

« Tous les nouveaux comptes des agens de la recette et de la dépense sont maintenant présentés, vérifiés et soumis, le 1er  juillet de l’année suivante, à la cour des comptes, qui a prononcé les arrêts avant le 31 décembre ; exemple remarquable d’une vaste comptabilité constamment à jour, où tout est démontré par pièces avant l’expiration de la seconde année, et qui ne laisse plus subsister aucun doute sur la régularité des opérations, sur les actes d’un seul administrateur, et sur la gestion d’un seul comptable. » Et plus loin le ministre ajoutait : « Il n’échappera pas un seul fait aux investigations de la cour des comptes, elle n’en recevra pas un seul sous une expression obscure ou infidèle : point de réticence ou de dissimulation qui ne doive être aussitôt découverte et dévoilée. À aucune époque et chez aucun peuple, l’administration ne se sera livrée elle-même à une