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penses. Quel moyen de dénoncer ces illégalités, comment les préciser, puisqu’il n’y a point de pièces, et que tout se cache derrière un mandat revêtu d’un simple acquit, espèce de billet au porteur, qui reste muet, et qui fait présumer indifféremment l’erreur, la faute ou la bonne foi ? Que dire au roi, que dire aux chambres, sur des faits inconnus, qu’on ne pourra même déclarer suspects ? Il faudra nécessairement se borner, dans le rapport, à la mention d’un chiffre. Mais ce chiffre suffira, dites-vous ; les chambres demanderont aux ministres des explications. Voilà donc les chambres transformées en bureau de comptabilité ! Les voilà chargées de vérifier des comptes à la tribune, de requérir des moyens d’instruction, de procéder à l’examen des pièces, de débattre une foule de cas litigieux avec les ministres, chargés de contredire et de réfuter ; puis on statuera sur la validité des paiemens, et s’il y a des paiemens irréguliers, illégaux, on rendra les ordonnateurs responsables ! Cependant si les paiemens datent de plusieurs années, que seront devenus les ordonnateurs ? et lors même qu’on les tiendrait sous la main, qu’en fera-t-on ? Le ministre supportera-t-il la faute d’un délégué obscur, qui aura disposé arbitrairement ou imprudemment des fonds de l’état ? Dans toutes ces hypothèses, on le voit, les garanties des citoyens sont supprimées ; l’administration reste livrée à elle-même, et le rapport au roi, réduit à une déclaration de chiffres, est un contrôle sans autorité, qui n’éclaire et ne contredit personne.

Faut-il croire d’ailleurs qu’on soit placé dans cette alternative rigoureuse d’admettre le décret de 1807, ou de rendre la marche de l’administration impossible ? Nullement. La difficulté a été prévue, et l’ordonnance de 1822 l’a résolue d’une façon bien simple. Que dit l’ordonnance ? Que, dans le cas où le payeur ne trouverait pas un paiement sûr, il pourra refuser de le faire, mais que, de son côté, l’ordonnateur de la dépense pourra requérir le paiement, et qu’alors il sera procédé au paiement sans autre délai. Voilà ce que dit l’ordonnance de 1822. Tout n’est-il pas sagement réglé par ce moyen si naturel ? On présente au payeur un mandat ; il demande les pièces qui prouvent la dette de l’état ; ces pièces, on les lui refuse ; le payeur refuse de payer : en même temps il déclare les motifs de son refus, remet une copie de cette déclaration au porteur du mandat, et en adresse une autre au ministre des finances. Alors que fait l’ordonnateur ? S’il veut qu’on paie, il requiert le paiement, mais sous sa propre responsabilité, et il adresse au payeur un acte de réquisition qui sera joint au mandat et qui passera plus tard sous les yeux