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LA MARSEILLAISE DE LA PAIX.

L’égoïsme et la haine ont seuls une patrie ;
La fraternité n’en a pas !



Roule libre et royal entre nous tous, ô fleuve !
Et ne t’informe pas, dans ton cours fécondant,
Si ceux que ton flot porte ou que ton urne abreuve
Regardent sur tes bords l’aurore ou l’occident.



Ce ne sont plus des mers, des degrés, des rivières,
Qui bornent l’héritage entre l’humanité :
Les bornes des esprits sont leurs seules frontières ;
Le monde en s’éclairant s’élève à l’unité.
Ma patrie est partout où rayonne la France,
Où son génie éclate aux regards éblouis !
Chacun est du climat de son intelligence ;
Je suis concitoyen de tout homme qui pense :
La vérité, c’est mon pays !



Roule libre et paisible entre ces fortes races
Dont ton flot frémissant trempa l’ame et l’acier,
Et que leur vieux courroux, dans le lit que tu traces,
Fonde au soleil du siècle avec l’eau du glacier !



Vivent les noble fils de la grave Allemagne !
Le sang-froid de leurs fronts couvre un foyer ardent ;
Chevaliers tombés rois des mains de Charlemagne,
Leurs chefs sont les Nestors des conseils d’Occident !
Leur langue a les grands plis du manteau d’une reine,
La pensée y descend dans un vague profond ;
Leur cœur sûr est semblable au puits de la sirène,
Où tout ce que l’on jette, amour, bienfait ou haine,
Ne remonte jamais du fond.



Roule libre et fidèle entre tes nobles arches,
 Ô fleuve féodal, calme mais indompté !