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LA MARSEILLAISE DE LA PAIX.

Débordement armé des nations trop pleines,
Au souffle de l’aurore envolés les premiers,
Jetons les blonds essaims des familles humaines
Autour des nœuds du cèdre et du tronc des palmiers !
Allons, comme Joseph, comme ses onze frères,
Vers les limons du Nil que labourait Apis,
Trouvant de leurs sillons les moissons trop légères,
S’en allèrent jadis aux terres étrangères
Et revinrent courbés d’épis !



Roule libre, et descends des Alpes étoilées
L’arbre pyramidal pour nous tailler nos mâts,
Et le chanvre et le lin de tes grasses vallées ;
Tes sapins sont les ponts qui joignent les climats !



Allons-y, mais sans perdre un frère dans la marche,
Sans vendre à l’opresseur un peuple gémissant,
Sans montrer au retour aux yeux du patriarche,
Au lieu d’un fils qu’il aime, une robe de sang !
Rapportons-en le blé, l’or, la laine et la soie,
Avec la liberté, fruit qui germe en tout lieu ;
Et tissons de repos, d’alliance et de joie
L’étendard sympathique où le monde déploie
L’unité, ce blason de Dieu !



Roule libre, et grossis tes ondes printanières
Pour écumer d’ivresse autour de tes roseaux,
Et que les sept couleurs qui teignent nos bannières,
Arc-en-ciel de la paix, serpentent dans tes eaux !


Al. de Lamartine.
Saint-Point, 28 mai 1841.