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DE L’ARIANISME.

ici par arianisme cette tendance rationaliste de l’esprit humain qui n’accepte pas le mystère et qui aspire à tout expliquer. L’homme vit par une contradiction : il se passionne pour l’inconnu, et il veut tout connaître ; ce qui est merveilleux l’attire, puis lui répugne ; tantôt il se prosterne, tantôt il se révolte ; il élève des autels pour les renverser plus tard, et dans la même nature on trouve des abîmes d’humilité aussi bien que des prodiges d’audace. À tous les momens de l’histoire, sous tous les climats, à travers toutes les formes, coexistent ces deux penchans indestructibles de notre être ; ils vivent dans des rapports inégaux ; tantôt l’un domine, tantôt l’autre est vainqueur, mais tous deux sont éternels ; ni Torquemada ne tue la pensée, ni 93 n’abolit la croix.

Jésus-Christ affirme qu’il est Dieu. Les uns le croient, les autres le nient. Ce n’est pas tout : parmi ceux qui le croient, il y a des divisions et des nuances ; cette divinité qu’ils admettent, ils la commentent, ils l’expliquent, et sous l’adoration s’est glissé l’examen. Le dogme porte donc fatalement l’hérésie dans ses flancs ; écoutons saint Paul qui nous dit : il faut qu’il y ait des hérésies. Comment, grand apôtre, déjà vous sonnez l’alarme. ! À peine le christianisme est né, vous le fondez encore, vous êtes occupé à le constituer sur ses bases, et déjà vous annoncez les contradictions inévitables qui l’attendent ! Jamais mot plus profond n’a honoré l’intelligence humaine. Il est beau d’avoir lu dans l’avenir tous les combats qu’une doctrine aurait à rendre et d’avoir persisté néanmoins à l’offrir à l’adoration des hommes.

La raison au surplus n’a pas fait défaut à l’appel de saint Paul. Avant la venue de Jésus-Christ, la raison humaine avait élevé sur toutes choses des systèmes dont elle croyait pouvoir s’enorgueillir. Aussi ne voulut-elle pas y renoncer : on la vit combattre avec acharnement pour la défense des solutions qu’elle avait trouvées, disputer pied à pied le terrain contre la religion nouvelle, prendre toutes ses formes, paraître quelquefois capituler, mais en gardant toujours les arrière-pensées et l’espoir d’un triomphe à venir. C’est ainsi que l’arianisme devint à quelques époques un semi-arianisme. Ainsi encore d’autres hérésies tentèrent après Arius des explications nouvelles. Au Ve siècle, Nestorius prétendit que dans Jésus-Christ la divinité n’était pas unie étroitement à l’ame humaine, mais qu’elle y habitait comme dans un temple. Il y avait donc dans le Christ deux personnes, le Verbe qui était éternel, infini, incréé, la créature qui était finie et périssable. Aussi Nestorius trouvait-il condamnable de