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DE L’ARIANISME.

il n’entraîna personne. Au contraire, les opinions de Fauste Socin, avec une apparence plus modeste et plus pratique, réussirent mieux à s’emparer des ames. L’année même de la mort de Luther, en 1546, plusieurs personnes d’une assez haute distinction se réunirent à Vicence, ville des états vénitiens, dans une espèce d’académie, pour y conférer sur des questions religieuses. L’autorité connut ces réunions ; elle arrêta quelques-uns des membres de l’hérétique assemblée : d’autres s’échappèrent ; parmi ces derniers était Lelie Socin, qui, après avoir habité tour à tour la Suisse et la Pologne, mourut à Zurich en laissant à Fauste Socin, son neveu, son bien et ses écrits. Fauste, nanti de la succession de son oncle, goûta d’abord une vie voluptueuse ; mais après douze années passées à la cour de Florence, où il avait joui de la faveur du grand-duc, il se mit à parcourir l’Europe ; ce n’était plus l’amour de l’éclat et des plaisirs qui le tourmentait, mais le goût des controverses théologiques. Après un séjour de trois ans à Bâle, il traversa l’Allemagne, se rendit en Pologne, et voici ce qu’il y enseigna : — Il n’y a qu’un seul Dieu, et Jésus-Christ n’est le fils de Dieu que par adoption ; c’est un homme qui, par les dons dont le ciel l’a comblé, a pu devenir le médiateur, le pontife, le prêtre du genre humain ; mais c’est Dieu seul qu’il faut adorer sans distinction de personnes. — Ainsi tombaient la trinité, la consubstantialité du Verbe et la divinité de Jésus-Christ. Tous ces dogmes n’étaient plus que des imaginations étrangères à l’essence même du christianisme.

Le socinianisme dut une propagation rapide à la simplicité de ses doctrines. Il ne s’agissait plus, comme avec l’arianisme, d’introduire des distinctions dans la hiérarchie divine ; il n’y avait plus de subtilités métaphysiques sur le Fils engendré de Dieu ou consubstantiel au Père. Le socinianisme était, pour nous servir des expressions du ministre Jurieu, une religion de plain pied qui aplanissait toutes les hauteurs du christianisme. Beaucoup d’esprits, qu’avaient fatigués les controverses infinies du XVIe siècle, se réfugièrent dans une solution aussi élémentaire et aussi simple.

Cependant la religion réformée eut à essuyer, de la part des catholiques, de cruels reproches pour avoir été l’occasion déterminante d’une semblable hérésie. Bossuet démontra qu’une des conséquences naturelles de la réforme était une tolérance qui conduisait nécessairement à l’indifférence en matière de religion. Pour se sauver d’une aussi monstrueuse indifférence, la réforme n’avait plus d’autre refuge que le despotisme du magistrat politique statuant souverainement