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LES PROVINCES DU CAUCASE.

beth, Gandja reçut le nom d’Elisabethpol. En 1828, Abbas-Mirza, s’étant avancé avec l’armée persane jusqu’à Gandja, fut défait par le général Paskéwitch ; ce fut cette victoire qui amena le traité de Turkmen-Tchaï, à la suite duquel la Perse, en perdant ses plus belles provinces s’est trouvée livrée à l’influence prédominante de la Russie.

Sorti d’Elisabethpol, j’entrai dans une plaine, ou plutôt dans un désert. Au premier relais, je remarquai un beau minaret construit en briques, resté seul debout au milieu des ruines qui l’entourent. La mosquée même n’existe plus. Le pays me parut encore plus monotone et plus aride qu’entre Choumakhie et Elisabethpol ; l’absence de population se fait partout sentir sur cette route. Les bords du Kram, que je traversai sur le pont Rouge, dont la construction est due aux Persans, sont les seuls points un peu animés ; aussi ce fut avec un véritable sentiment de plaisir que je rentrai à Tiflis. J’avais parcouru, depuis Bakou, cinq cent vingt verstes.

Dans une conversation avec le général Golavine, sur l’état des pays que je venais de parcourir, je fus étonné de voir qu’il croyait, comme moi, impossible d’arriver à une pacification complète du Daghestan et de la Circassie, sans avoir détruit toute la population existante. Le général Golavine, tout en désapprouvant le système de conquêtes à tout prix adopté par l’empereur, me parla des difficultés qu’on rencontrait en voulant traiter avec des tribus qui n’obéissent à aucun chef. Il m’assura que, dans un rapport envoyé à Pétersbourg, il avait insisté sur la nécessité d’accorder aux Circassiens le libre commerce des esclaves avec la Turquie, d’abolir les quarantaines, et de n’employer les forts actuellement construits que comme points de réunion pour un commerce d’échange qu’il fallait s’étudier à favoriser. Un commerce bien établi pourrait seul faciliter la pacification de la Circassie, et hâter la fin d’une guerre aussi ruineuse qu’inutile par les résultats qu’elle peut amener en les supposant tous favorables à la Russie. Le général me disait qu’à moins de construire une ligne continue de forts sur tout le rivage, et sur une longueur de près de soixante lieues, il était impossible d’empêcher les communications des Circassiens avec la Turquie. Les avantages de ce commerce sont tellement grands, que si, sur dix bâtimens, un seul arrive, il suffit pour dédommager de la perte de tous les autres. Je ne pouvais qu’admettre l’opinion du général Golavine. Lors de mon passage à Constantinople, j’avais cherché un bâtiment turc qui me portât directement sur les côtes de la Circassie. Je trouvai plusieurs capitaines propriétaires de petits bâtimens, qui se livrent à ce commerce. Sur