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Si nous nous sommes arrêté sur ce point, ce n’est pas seulement à cause de l’importance du sujet ; mais encore afin de prouver par cet exemple combien de prétentions mal fondées on a élevées contre Galilée. Heureusement, pour revendiquer sa propriété, l’illustre professeur de Padoue n’a eu que rarement besoin d’invoquer le témoignage de ses amis : le plus souvent on n’a réclamé la priorité que pour des savans qui avaient fait paraître leurs écrits après la publication des ouvrages de Galilée, ou lorsque ses découvertes étaient connues et répandues généralement.

Non-seulement ce grand observateur se livrait à l’étude de la physique et de la mécanique rationnelle, mais il s’occupait aussi de mécanique appliquée. En 1594, il obtint du doge de Venise un privilége de vingt ans pour une machine hydraulique de son invention, et peu de temps après il imagina le compas de proportion, instrument fort utile aux ingénieurs, qui eut alors un succès extraordinaire, et dont Galilée enseigna la pratique à un grand nombre de personnes.

En 1599, il avait pris un artiste chez lui pour lui faire construire plusieurs de ces instrumens. Après en avoir envoyé dans toute l’Europe, il en donna enfin la description en 1606, et cependant il se trouva des personnes qui voulurent se l’approprier. De ce nombre fut Balthazar Capra, Milanais, qui en 1607 publia la description d’un instrument semblable. Galilée, qui avait été déjà attaqué par Capra, en 1604, à propos d’une question d’astronomie, se plaignit hautement de ce plagiat. Une commission fut chargée d’examiner cette affaire, et Capra fut accablé. Galilée prouva lumineusement que l’ouvrage de ce plagiaire était une copie du sien, auquel une main ignorante n’avait fait qu’ajouter de lourdes bévues. Il donna dans cette dispute le premier exemple de la dialectique irrésistible qu’il devait employer plus tard contre les péripatéticiens. Se servant surtout de la méthode socratique, s’armant tour à tour du ridicule et de la géométrie, il confondit son adversaire, qui fut condamné publiquement.

La relation authentique de ce débat a été publiée : il en résulte que Capra ignorait les élémens de la géométrie, et il peut sembler extraordinaire que le philosophe toscan consentît à lutter contre un tel adversaire. Mais il paraît qu’il y avait derrière Capra un ennemi plus redoutable, que Galilée ne nomme pas. D’ailleurs, non-seulement celui-ci aimait la discussion qui lui donnait de nouvelles forces, mais dans la position où il se trouvait, critiquant Aristote et voulant tout réformer, il était forcé de repousser les attaques pour faire triompher son système, et de ne jamais refuser le combat.

Après les six premières années, Galilée fut confirmé dans sa chaire