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GALILÉE.

le 8 janvier 1642, cet illustre vieillard descendit au tombeau, sa gloire pouvait défier la rage de ses ennemis ; car, lors même qu’on eût traîné son corps à la voirie, comme on le voulait à Rome, que tous ses ouvrages eussent été détruits, comme on essaya de les détruire, l’œuvre de son génie ne pouvait plus périr ; il avait créé la philosophie naturelle, les hommes avaient appris de lui comment ils doivent étudier la nature ; enfin, il laissait une école florissante, composée d’élèves idolâtres de sa mémoire et imbus de ses préceptes, qui n’eurent qu’à suivre ses glorieuses traces pour se rendre célèbres. Des cendres de Galilée naquit bientôt cette société qui s’est rendue immortelle sous le nom d’Académie del Cimento.

Les difficultés nombreuses qu’offre l’appréciation des travaux de Galilée sont encore augmentées par la perte de la plus grande partie de ses écrits. Nous avons vu que, plus occupé de faire des découvertes que de les livrer à l’impression, Galilée se contenta pendant long-temps de les communiquer à ses élèves et à ses amis, de sorte que, se répandant ainsi partout, elles furent souvent reproduites par des plagiaires, qui tentèrent de se les approprier. Plus tard, lorsqu’il songea enfin à réunir et à publier ses manuscrits, l’inquisition l’arrêta et le condamna au silence. Après sa mort, des élèves dévoués voulurent recueillir les ouvrages qu’il avait préparés, et ces lettres où il avait si souvent exposé ses plus ingénieuses découvertes ; mais l’inquisition intervint encore d’une manière odieuse et barbare. Renieri, à qui il avait confié les observations des satellites de Jupiter, et qui devait les réduire en tables, vit à son lit de mort ses papiers mis au pillage et dispersés par les suppôts du saint-office. Plus tard, le petit-fils de Galilée, étant entré dans les ordres, brûla, par scrupule de religion, plusieurs manuscrits, parmi lesquels il paraît certain que se trouvaient des écrits inédits du philosophe toscan. Enfin Viviani, qui ne cessa de montrer un si vif attachement à la mémoire de son maître, s’étant appliqué pendant longues années à rassembler les manuscrits de Galilée dans la vue d’en donner une édition complète, se vit forcé de les enfouir dans un silo pour les soustraire aux recherches actives des moines, si puissans en Toscane sous Côme III. Après la mort de Viviani, ces précieux manuscrits, découverts par un domestique, furent en grande partie vendus par lui à un charcutier, qui les employa aux plus ignobles usages. Un jour quelques savans de Florence voulurent aller dîner au cabaret. En passant, par hasard, devant la boutique de ce charcutier, ils entrèrent pour acheter du saucisson. Le sénateur Nelli, qui était de la partie, s’aperçut que le papier dans