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GALILÉE.

campagne de la Toscane, et nous venons d’en faire l’acquisition. Si quelque obstacle imprévu ne vient encore s’opposer à ce dessein, nous comptons la publier en entier à la suite d’une histoire complète de la vie et des travaux de Galilée. Il y a là plus de mille lettres inédites des plus illustres savans du xviie siècle ; elles forment, par leur ensemble, une espèce d’histoire scientifique de cette époque. La vie privée de Galilée, ses persécutions, ses travaux, se trouvent expliqués et mis dans un jour entièrement nouveau à l’aide de cette correspondance. Ici c’est un moine qui s’oppose au mouvement de la terre et qui écrit à Galilée que l’opinion d’Ipernic (au lieu de Copernic) est contraire aux Écritures ; là c’est Maraffi, général des dominicains, qui, ayant appris qu’un de ses moines avait prêché publiquement contre Galilée, écrit au philosophe toscan qu’il en est extrêmement peiné, car, dit-il, pour mon malheur, je participe à toutes les bêtises que font ou que peuvent faire trente ou quarante mille moines. Dans ses lettres, Galilée nous raconte des faits entièrement inconnus. Il nous montre sa fille bien-aimée mourant de douleur par suite de cette cruelle sentence de l’inquisition dont on avait tant vanté la douceur ; il nous fait connaître la véritable cause de ses malheurs, lorsqu’il répète ces paroles du père Gremberger, mathématicien du collége des jésuites à Rome, qui disait : « Si Galilée avait su conserver l’affection des pères de ce collége, il jouirait de toute sa gloire. Il n’aurait éprouvé aucune de ces adversités, il aurait pu écrire à son gré sur tous les sujets, voire même sur le mouvement de la terre. » C’était pendant qu’on tenait ces propos que d’autres jésuites annonçaient dans leurs ouvrages que le mouvement de la terre était une hérésie plus horrible et plus dangereuse que tout ce qu’on peut dire contre l’immortalité de l’ame et contre la création, et qu’il ne faut pas parler de ce mouvement, même pour le combattre !

La perte de tant de précieux ouvrages que nous avons cités serait moins déplorable, si les amis et les élèves de Galilée avaient écrit sa vie d’une manière exacte et complète ; malheureusement ils ne l’ont pas fait. La terreur inspirée par l’inquisition était si profonde alors, que nul n’osa tracer exactement l’histoire de la vie et des travaux de Galilée. Quelques pages écrites par un chanoine de Florence nommé Gherardini, qui avait reçu les confidences de Galilée, sont ce qui nous reste de plus authentique sur ce grand homme. Mais Gherardini n’était nullement savant, et, en écrivant ses souvenirs long-temps après la mort de son illustre ami, il a parfois commis des erreurs ; cependant ces mémoires, qui ne parurent que vers la fin du siècle