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LETTRES SUR L’ÉGYPTE.

sculptés sur le tympan cintré des portes ; cela forme, avec les colonnes doriques, une triple anomalie digne de l’époque et de ceux qui ont bâti ces édifices. Ces grottes m’ont fourni, la première, une inscription grecque, tracée en rouge et indéchiffrable ; la seconde, quatre inscriptions gravées en creux sur le bandeau de sa double porte d’entrée. Je n’ai pu copier ces inscriptions qu’avec beaucoup de peine, et il s’y trouve même des lacunes ; mais M. Letronne, à qui je les envoie, saura les rétablir en les traduisant, si déjà il ne l’a fait, car Belzoni, Cailliaud, Wilkinson et d’autres voyageurs ont dû les copier avant moi.

C’est donc là tout ce que j’ai trouvé d’antique sur ce point, et il m’a fallu, pour si peu de chose, faire une marche de neuf jours consécutifs et en avoir autant en perspective, et je ne me suis pas pendu ! Hélas ! non ; je n’ai pas juré, je n’ai pas crié : À bas le gouvernement ! Mais par une grace d’état sans doute, avec résignation, j’ai de nouveau plié bagage et rebroussé chemin, méditant philosophiquement sur les déceptions de la vie.

Le petit temple, seul monument égyptien qui se trouve à une journée du Nil, a été creusé dans le roc, avec un portique bâti de pierres de taille, sous le règne du père de Sésostris, Ménephtah Ier. J’ai copié la majeure partie de la décoration de cet édifice, notamment une grande inscription hiéroglyphique, portant la date de l’an IX du règne de Pharaon. On remarque dans les cartouches renfermant le nom propre de ce prince cette figure parfaitement conservée du dieu à longues oreilles et au bec recourbé, qui, dans presque tous les monumens, se trouve martelée, comme si pendant le règne de Ménephtah le culte de ce dieu eût été supprimé. Cette figure est d’ailleurs très rare sur les monumens des autres époques ; Champollion l’appelle Seth. — J’ai vainement cherché, à la station qui précéde celle-ci, les restes d’un monument signalé par M. Wilkinson, et offrant la légende d’un très ancien roi nommé Amon-t-óukh, frère supposé d’Aménophis-Memnon (Danaüs). Ou ce monument n’existe plus, ou j’ai mal cherché. Le savant voyageur anglais le cite, du reste, comme offrant peu d’intérêt : cela me console.

Revenu à Edfou, je voulais faire à tous mes Arabes une réduction de paie calculée sur le temps qu’ils m’avaient volé ; cela revenait à un tiers du total, et faisait une assez forte somme ; mais, le hakem et nulle autorité n’étant sur les lieux, j’ai dû passer par les fourches caudines, n’ayant d’autre satisfaction, si c’en est une, que de maudire cette canaille, et de la menacer de porter plainte, vaine menace que j’ai