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mens primitifs de cette illustre maison. L’état d’Argovie à qui la note de M. de Bombelles fut renvoyée par le vorort comme l’avait été celle du nonce, n’eut pas de peine à démontrer que, les donations faites par les Habsbourg étant irrévocables, ils ne pouvaient plus être reçus à faire valoir aucune prétention sur ce qu’ils avaient à jamais abandonné. Quant aux reliques des morts, l’état d’Argovie répondit noblement qu’elles étaient sous la protection de la conscience publique, et quelles n’avaient jamais cessé d’être protégées par le respect religieux de tout un peuple.

Il était à craindre que, si les choses marchaient long-temps sur ce pied, la cause du canton spoliateur ne se confondît avec celle de l’indépendance nationale. Les regards des Suisses se tournaient avec inquiétude vers la France. La France était la vieille amie de la Suisse et avait souvent traité avec elle d’égale à égale. Puis le principe général de sa politique était le principe de non-intervention. Ce qui lui importait le plus, c’était la conservation de l’indépendance nationale de la Suisse, car cette indépendance même était sa sauvegarde. D’ailleurs la France de 1830 n’avait pas en Suisse les mêmes amis que l’Autriche ; l’Autriche était plus ou moins en rapport avec le parti de l’ancien régime ; la France, au contraire, devait éviter de blesser le parti libéral. Malgré toutes ces raisons, les Suisses n’étaient pas complètement tranquilles, et nous devons reconnaître que l’exemple des interventions de 1836 et de 1838 justifiait leurs craintes.

Le gouvernement français a su éviter cet écueil. Quoiqu’il fût loin d’approuver la conduite du gouvernement d’Argovie, il ne fit aucune réclamation officielle. Le langage de M. le comte Mortier fut, en cette occasion difficile, plein de mesure et de convenance ; il ne laissa pas ignorer combien il lui semblait désirable, dans l’intérêt de tous les pays libres, que l’abus de pouvoir dont un canton s’était rendu coupable fût réparé, mais il se borna à exprimer son sentiment, à donner des conseils, reconnaissant que la question devait rester renfermée dans la Suisse même. Cette sage modération gagna peu à peu tout le corps diplomatique. Quelques communications verbales furent encore, dit-on, adressées par les représentans d’Autriche, de Russie et de Bavière, au président du vorort, mais ces diverses entrevues ne furent suivies d’aucune note écrite. Les journaux ont publié dans le temps une dépêche menaçante de M. de Metternich à M. de Bombelles ; celui-ci en donna lecture à M. Neuhaus, mais la prudence du cabinet autrichien ne tarda pas à lui faire comprendre combien il serait utile à son but d’adopter une autre marche, et en ce mo-