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AFFAIRES DE SUISSE.

ment les deux cabinets paraissent d’accord pour s’en tenir aux moyens d’influence et de persuasion.

Cependant les grands conseils s’assemblaient sur tous les points de la Suisse pour nommer les députés à la diète extraordinaire et préparer leurs instructions. Partout on réclamait le mémoire justificatif qui avait été promis par Argovie, mais ce mémoire n’arrivait pas. Le gouvernement d’Argovie n’ayant adressé au vorort qu’un résumé des argumens qui devaient être développés dans son mémoire, le vorort n’avait pu communiquer que cette pièce aux états fédérés. En présence d’un document aussi imparfait et à défaut de renseignemens plus précis, les discussions qui eurent lieu dans les grands conseils furent très réservées. La violation du pacte était si manifeste, que, dans presque tous les cantons, on ne put s’empêcher de poser en principe le maintien de l’acte fondamental, mais cette déclaration préalable était en général accompagnée de restrictions en faveur d’un autre principe non moins cher aux Suisses, celui de la souveraineté cantonale. Il est vrai de dire cependant que l’ensemble des instructions paraissait favorable au rétablissement des couvens, malgré les précautions dont cette opinion avait eu soin de s’envelopper.

Mais ce qui pouvait moins que jamais être mis en doute, c’était l’intention bien formelle de toute la Suisse de ne permettre à aucun gouvernement étranger de se mêler de cette affaire. Les instructions de presque tous les cantons à leurs députés contenaient un article fort net sur ce point, et cet article était généralement voté dans les grands conseils à l’unanimité des voix. Dans le canton de Fribourg, canton catholique par excellence, un membre ayant exprimé le désir qu’une recommandation expresse fût faite aux députés à ce sujet, un des députés nommés, M. d’Église, partisan zélé du rétablissement des couvens, répondit qu’une pareille précaution était inutile, et qu’ils serait le premier à proposer des mesures énergiques pour repousser toute intervention de l’étranger.

Enfin le 15 mars arriva, et la diète extraordinaire s’ouvrit à Berne. M. l’avoyer Neuhaus, président du directoire fédéral, prononça le discours d’ouverture. Dans ce discours, qui était en langue française, ce qui ne s’était jamais vu depuis 1815, M. Neuhaus ne dissimulait pas son opinion personnelle sur la question. Suivant lui, l’article 12 du pacte n’était pas ce pacte tout entier, et l’article 1er avait bien aussi sa valeur, qu’il ne fallait pas oublier. D’ailleurs l’existence d’une nation n’était pas subordonnée à celle de la loi fondamentale. Il