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de la chrétienté et de la civilisation doit réellement triompher en Orient, il faut qu’elle grandisse par ses propres forces, par son élan naturel, et qu’elle se fasse accepter des puissances sinon comme une cause gagnée, du moins comme une cause qu’on ne peut plus rayer du rôle des affaire européennes, et qu’il faut promptement décider.

La Suisse a été le théâtre de nouveaux troubles. La contre-révolution, encouragée peut-être par l’aspect général des affaires et par de coupables instigations, a tenté un coup de main dans le canton du Tessin. Elle a honteusement succombé devant la prévoyante fermeté du gouvernement et l’énergie de la grande majorité du pays. Il faut espérer que les vainqueurs n’abuseront pas de leur facile victoire par des condamnations excessives et multipliées. Une justice calme et clémente peut seule mettre fin aux troubles civils.

La diète suisse vient de prendre, dit-on, une détermination grave : elle a sommé le canton d’Argovie de se conformer dans un bref délai aux résolutions de la diète dernière. L’arrêté aurait été adopté par une majorité composée de douze voix et de deux demi-voix. C’est le canton de Zurich, aujourd’hui conservateur, qui aurait pris l’initiative. Saint-Gall aurait appuyé la proposition ; Genève l’aurait repoussée, ainsi que les grands cantons voisins de l’Argovie, Berne et Vaud. Les meilleurs esprits ont pu sans doute se diviser d’opinion sur la question de savoir s’il fallait débuter par une sommation ou par des moyens plus concilians et plus doux ; mais une fois la question résolue et l’arrêté rendu, il n’est pas un ami de la Suisse qui ne doive conseiller aux cantons dissidens de se réunir à la majorité. Il faut, avant tout, vouloir être une nation ; et que deviendrait la nationalité de la Suisse, si une résolution de la diète extraordinaire, confirmée par un arrêté de la diète ordinaire, pouvait être tenue pour non avenue, le canton récalcitrant trouvant appui et faveur dans un grand nombre de cantons ? Ce serait enlever à la confédération toute dignité comme toute autorité : une guerre civile serait une issue plus douloureuse sans doute, mais moins déplorable qu’un pareil affaissement de l’autorité fédérale. L’arrêté de la diète n’impose pas au gouvernement d’Argovie des obligations très précises : il en exige seulement des résolutions, des mesures qui soient en harmonie avec le décret du 2 avril. Cela laisse aux Argoviens une certaine latitude ; les Argoviens doivent en user avec modération, et la diète à son tour doit se contenter d’un à peu près raisonnable. Les confédérations ne peuvent vivre que de transactions.

Nous aussi nous avons eu nos troubles. Une ville considérable, Toulouse, en a été le théâtre. Nous n’avons pas besoin de dire combien ces manifestations violentes et brutales nous paraissent condamnables. Nous condamnons également le but et les moyens. Toutes ces manifestations contre des mesures qui n’ont en réalité d’autre objet que l’égale répartition des impôts, prouvent assez ce que l’esprit municipal ferait, pour peu qu’on lui mit la bride sur le cou, de notre puissante centralisation, de notre admirable unité nationale, œuvre et gloire de la révolution.