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DE LA CRISE ACTUELLE EN ANGLETERRE.

lement redevenir le champ de bataille. Aussitôt après l’adresse, lord Stanley en effet le remit sur le tapis, et le lendemain lord Morpeth, au nom du gouvernement, en proposa un à son tour sur le même sujet.

Pour bien comprendre la discussion et les votes qui suivirent, quelques explications sont nécessaires. On sait qu’en Angleterre la dernière loi électorale a maintenu dans les comtés les francs tenanciers à 40 shillings, en soumettant leur inscription sur les listes électorales à des formes assez rigoureuses et empruntées jusqu’à un certain point à notre législation. Pour être électeur d’ailleurs, il ne suffit pas d’occuper une terre dont le revenu soit évalué à 40 shillings ; il faut que l’occupant jouisse lui-même de ce revenu en sus des charges et de la rente. Quant au simple fermier, il n’est admis à voter que si la terre qu’il exploite est évaluée, d’après la taxe des pauvres, à un revenu imposable de 50 liv. st.

Avant l’émancipation catholique, les électeurs à 40 sh. existaient en Irlande comme en Angleterre, et c’est à l’aide de ces électeurs, soulevés par le clergé et l’association catholique contre leurs propriétaires, que furent gagnées les grandes batailles électorales qui décidèrent l’émancipation. Mais ces électeurs étaient, pour la plupart, trop pauvres et trop dépendans pour que cet acte de désobéissance ne leur coûtât pas cher. Il fut constaté à cette époque que, placés entre leur propriétaire et leur curé, ils ne pouvaient suivre l’un sans encourir de la part de l’autre la persécution ou l’anathème. Lors de l’émancipation, d’un consentement presque commun, on leur retira donc un droit qui pouvait leur être si funeste, et la franchise électorale fut fixée pour l’Irlande à 10 liv. st. Comme il n’y avait point encore de taxe des pauvres en Irlande, l’appréciation du revenu imposable resta d’ailleurs dans un certain vague, et fut livrée, comme par le passé, à l’arbitraire des déclarations individuelles, reçues par les magistrats sous la foi du serment. Le mode d’inscription, en outre, fut combiné de manière à offrir aux électeurs un peu plus de facilité qu’en Angleterre, et par conséquent entouré de moins sévères précautions.

On comprend que, sous l’empire d’une telle loi, il dut y avoir en Irlande des fraudes nombreuses et beaucoup de faux électeurs. Tel est pourtant le morcellement de la terre et l’état de ruine toujours croissant du pays, que, malgré les fraudes, le nombre proportionnel des électeurs diminue plutôt qu’il n’augmente, et reste incomparablement plus faible qu’en Angleterre. C’est, on s’en souvient, un des