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balayer tous les retranchemens du monopole ; » le fait est que les meetings étaient peu nombreux, que la mer ne grossissait guère, que les épées restaient dans le fourreau. À vrai dire, le jour où l’élection commença, il n’y avait pas encore dans le pays d’agitation réelle. C’est dire que la tactique du ministère avait échoué et qu’il était vaincu d’avance.

Les journaux quotidiens ont tenu le public au courant des épisodes les plus curieux de l’élection ; je ne m’y arrêterai donc point. Je fais remarquer seulement que dans ces scènes étranges il n’y a rien de nouveau, et qu’à chaque dissolution du parlement les choses se passent à peu près ainsi. C’est toujours la même réunion du plaisant et du sérieux, toujours le même contraste entre ce que la raison a de plus admirable, la force matérielle de plus révoltant, toujours le même mélange de grandeur et de bassesse, de vérité et de mensonge, de bien et de mal. Il faut même dire qu’avant le bill de réforme, les désordres étaient bien plus graves, les fraudes bien plus nombreuses, la corruption bien plus effrontée. Voici, à mon sens, ce qui a particulièrement caractérisé la dernière élection. C’est d’abord la timidité des candidats sur les hustings c’est ensuite l’indifférence de la masse de la population, partout, excepté en Irlande, où la situation est fort différente. Assurément, sur les hustings, whigs et tories pouvaient se donner le champ libre, et engager le fer jusqu’à la garde. Au lieu de cela, whigs et tories semblaient être convenus d’avance de se battre à fer émoulu. Lisez les discours de sir Robert Peel, de lord Stanley, de sir William Follett d’une part, et de l’autre les discours de lord John Russell, de lord Palmerston et de lord Morpeth. Qu’y trouvez-vous, si ce n’est quelques froides dissertations économiques et quelques redites politiques écourtées et affaiblies ? Il est clair que de part et d’autre on craint de s’engager trop avant et d’irriter ses adversaires. Tout en prêchant pour la liberté commerciale, lord John Russell a soin de démontrer au parti agricole que son bill lui est plutôt favorable que nuisible. Tout en soutenant l’intérêt agricole, sir Robert Peel ne manque pas de se prononcer, dans une certaine mesure, en faveur de la liberté commerciale. Rien d’ailleurs, presque rien de l’église, de l’Irlande, de toutes les questions brûlantes dont au fond les esprits sont plus préoccupés que de la loi des céréales. Rien non plus, presque rien des affaires étrangères, si ce n’est dans l’incroyable apologie de lord Palmerston. Encore Alger et l’Afghanistan font-ils bien plus que l’Orient et l’Amérique les frais de cette apologie.