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DE LA CRISE ACTUELLE EN ANGLETERRE.

fait que, dans les chambres comme dans le pays, son nom est généralement honoré, et son autorité respectée. Jusqu’en 1828, le duc de Wellington n’avait point songé à se faire homme politique, et c’est en toute sincérité qu’en 1827, je crois, lors de la lutte avec M. Canning, il repoussait comme une idée folle celle de devenir le chef du cabinet. Il le devint pourtant, et, à la surprise générale, peut-être à la sienne propre, le vieux soldat se mit à parler très convenablement sur les questions les plus étrangères à sa vie, sur les finances, sur le commerce, sur l’administration. Dans l’affaire de l’émancipation catholique et dans plusieurs autres, il prouva d’ailleurs que, s’il ne voit pas loin, il voit juste, et que l’intérêt bien démontré du pays l’emporte dans son esprit sur toutes les préoccupations et les préjugés de parti. Depuis ce moment, le duc de Wellington, à quelques courts intervalles près, n’a cessé d’être, avec sir Robert Peel, le modérateur du parti tory, et ce rôle honorable a encore ajouté à sa considération. Mais il est vieux et malade, et on doute beaucoup qu’il puisse prendre une part active aux affaires. Tant qu’il vivra, son concours sera cependant très utile au ministère, non pour lui conquérir dans la chambre des lords une majorité conquise d’avance, mais pour refroidir l’ardeur des vainqueurs, et pour empêcher les crises ultérieures.

Le vrai chef du parti tory dans la chambre des lords, celui qui le gouverne et le mène, c’est lord Lyndhurst, jadis sir John Copley. Moins encore que sir Robert Peel, lord Lyndhurst appartient à l’aristocratie, et c’était pour quelques personnes un sujet de surprise que de voir, dans ces dernières années, la chambre haute d’Angleterre conduite par le fils d’un artisan obscur de la Cité. Mais l’aristocratie en Angleterre n’a point de ces sots dédains, et quiconque la sert bien est sûr de son appui et de son dévouement. Sir John Copley n’a pas toujours servi l’aristocratie, et l’on parle encore d’un voyage qu’il fit en France pendant notre première révolution, au nom d’une des associations qui fraternisaient avec elle. Cette belle ardeur démocratique ne dura d’ailleurs pas long-temps, et les affaires, où son talent le fit entrer, eurent bientôt dépouillé ses opinions de ce qu’elles avaient de trop vif, jusqu’à ce que, de modification en modification, elles soient redevenues aussi vives que dans sa jeunesse, mais d’un côté tout opposé. En 1826, comme procureur-général, et en 1827 comme maître des rôles, sir John Copley faisait encore partie de la fraction libérale du ministère Liverpool. Aussi, en mai 1827, malgré une querelle récente avec M. Canning, celui-ci l’éleva-t-il à la pairie,