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DE LA CRISE ACTUELLE EN ANGLETERRE.

la question des sucres, il ne veut pas compromettre la grande épreuve qui se fait en ce moment. Sur la question des bois de construction, il réserve son opinion. Sur la question des céréales, il proclame la supériorité du droit gradué sur le droit fixe, mais sans rien dire du chiffre. Lisez même son discours de Tamworth, celui où il s’est le plus longuement expliqué. Il critique le bill de lord Russell, et en même temps il déclare que l’Angleterre doit étendre son commerce extérieur et devenir le pourvoyeur du monde entier. Or, sir Robert Peel est trop éclairé pour croire que l’Angleterre puisse vendre sans acheter, fournir à l’étranger ses produits sans prendre en revanche les produits de l’étranger. Rien n’empêche donc dir Robert Peel, s’il est pressé un peu vivement, de proposer une modification qui calme l’opinion et qui donne le temps d’attendre. Pour moi, j’incline à croire que, pendant assez long-temps peut-être, les trois mesures libérales serviront sir Robert Peel plus qu’elles ne lui nuiront.

Pour bien apprécier la situation des conservateurs, il faut laisser s’abattre la poussière que la dernière crise a soulevée, et porter ses regards sur les autres embarras du dehors et du dedans. Si l’on commence par le dehors, on ne peut disconvenir que l’état des affaires ne soit partout plein d’incertitudes et de difficultés. En Amérique, sans compter la vieille querelle des frontières, querelle fort envenimée depuis deux ans, la question Macleod est toujours pendante, et jusqu’ici ne tourne pas à l’honneur de l’Angleterre. On sait de quelle indignation le parlement fut saisi quand il apprit qu’un sujet anglais était détenu et allait être mis en jugement pour un acte dont le gouvernement anglais réclamait toute la responsabilité. C’était une insulte à la vieille Angleterre, et, pour qu’elle ne la châtiât pas, il ne fallait rien moins que la mise en liberté immédiate de M. Macleod. Après tout ce fracas, les notes diplomatiques ont voyagé d’un bord à l’autre de l’Atlantique, et aujourd’hui, au bout de plus de six mois, M. Macleod, mis en accusation par le grand jury, est encore dans les prisons de New-York, attendant son jugement. On se flatte, à la vérité, qu’il pourra prouver un alibi et se faire acquitter ; mais, comme le disait fort bien M. Duncombe à la chambre des communes, la question n’est pas là. Si les Américains ont le droit de détenir M. Macleod et de le juger, ils ont aussi celui de le condamner et de le faire exécuter. Ce qui est outrageant pour l’Angleterre, ce n’est ni la condamnation, ni l’exécution, c’est la détention et le jugement. Or, sur ce point, l’Amérique ne paraît pas disposée à céder.