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L’ALGÉRIE.

guère compter, pour la marine marchande de l’Algérie, sur les navires français. Cette marine se recrutera d’Arabes, de Maltais, d’Espagnols et surtout d’Italiens Mais ce sera une marine française, si nous savons unir ses intérêts aux nôtres ; ce sera surtout, pour notre marine militaire, une pépinière excellente de matelots.

Les Espagnols émigrent en Algérie en plus grand nombre encore que les Italiens. Cela s’explique aisément par les troubles qui désolent l’Espagne. Les Français et les Italiens qui émigrent en Algérie quittent le bien pour chercher le mieux ; mais les Espagnols émigrent pour quitter la misère et la proscription. En 1833, les Espagnols étaient en Algérie au nombre de treize cent huit ; en 1839, ils étaient sept mille trois cent quatre-vingt treize. Les Français (nous ne comptons pas l’armée) n’étaient, en 1839, qu’au nombre de neuf mille cinq cent vingt-six. Ainsi les Espagnols étaient, dès 1839, tout près d’être aussi nombreux, que nous. L’émigration espagnole s’est répandue sur l’Algérie en remontant de l’ouest à l’est, d’Oran à Bone, décroissant en nombre à mesure qu’elle s’éloignait du voisinage de sa patrie. À Bougie et à Alger les Espagnols sont le tiers de la population ; à Mostaganem, les deux cinquièmes ; à Oran, ils sont la moitié. Oran, en effet, n’est qu’à quinze heures de navigation de Carthagène ; et de plus, Oran, resté au pouvoir de l’Espagne jusqu’en 1792, a gardé des souvenirs et des traditions espagnols.

Non-seulement les émigrés espagnols sont en Algérie plus nombreux que ceux des autres pays, ils ont aussi plus de vitalité. Entre le climat de l’Afrique septentrionale et le climat de l’Espagne méridionale, il n’y a pas de différence, et l’Espagnol qui passe d’un côté de la Méditerranée à l’autre est à peine dépaysé : il retrouve en Afrique le ciel, la végétation, les habitudes mêmes de l’Espagne. Le système d’agriculture le mieux approprié au sol d’Alger est, dit M. Baude[1], le système que les Espagnols ont appris chez eux par la tradition des Maures. Aussi Alger n’a pas de cultivateurs plus laborieux et plus patiens que ceux qui lui sont venus de la Catalogne et des îles Baléares ; et M. Baude fait, à ce sujet, cette réflexion ingénieuse et vraie, qu’il semble que les Espagnols ont besoin de sortir de chez eux pour montrer toutes leurs qualités et surtout leur activité : paresseux et insoucians dans leur vieille patrie ; ardens, actifs, persévérans, infatigables, dès qu’ils ont besoin de s’en faire une nouvelle.

Nous avons donc, grace aux affinités naturelles qui existent entre

  1. Tom. II, pag. 260.