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Jusqu’ici nous avons fondé peu de choses en Algérie, et cependant nous avons maintenant dans ce pays les deux plus puissans moyens de fonder quelque chose, une armée et un clergé, les deux seules hiérarchies que l’esprit du temps n’ait pas détruites. Appliquez, comme le veut le général Bugeaud dans sa brochure sur les colonies militaires, comme le demande le général Létang dans son excellent ouvrage intitulé : Des moyens d’assurer la domination française en Algérie, appliquez l’organisation militaire à la culture du pays ; faites des camps qui soient des colonies ; appelez à votre secours l’organisation religieuse ; empruntez hardiment l’assistance du clergé séculier et régulier : et alors, n’en doutez pas, ces deux grands principes du monde moderne, l’armée et le clergé, l’épée et la croix, retrouveront en Afrique la force et la vertu créatrice qu’elles ont eue en Europe.. Elles ont tiré l’Europe moderne du sépulcre de l’empire romain : elles sauront bien aussi ressusciter l’Afrique.

Après avoir parlé de la population, sans quoi un pays n’est qu’un désert, et de la religion, sans quoi la population ne fait pas une société, je veux tirer du livre de M. Baude quelques renseignemens sur un genre de commerce qui est particulier à l’Afrique septentrionale, le commerce des caravanes. C’est par là que l’Afrique septentrionale atteint et touche à l’Afrique centrale, en dépit du désert, et il est curieux de voir comment, grace à la patience de l’homme, ces deux pays, séparés par tant d’obstacles et par tant de contrastes, communiquent l’un à l’autre. Notez que le commerce des caravanes fait la meilleure part de la richesse de l’Afrique septentrionale. C’est de là que viennent l’or et les esclaves qu’elle a eu long-temps le privilége de fournir seule à l’Europe. M. Baude, frappé de l’importance de ce commerce et des inconvéniens de son interruption dans l’Algérie depuis notre conquête, a fait à ce sujet quelques recherches curieuses. J’ajouterai à ces recherches les renseignemens que je tire de l’excellent ouvrage de M. Walckenaer, intitulé : Recherches géographiques sur l’intérieur de l’Afrique septentrionale, et je n’oublierai pas de comparer avec M. Baude et M. Walckenaer les témoignages d’Hérodote, car le commerce des caravanes existait déjà de son temps, et il n’a pas manqué d’en décrire la marche et les stations.

Le désert de Sahara s’étend de l’est à l’ouest dans une longueur de 1,600 milles géographiques[1], et du nord au sud dans une lar-

  1. Walckenaer, pag. 175.